Professeur, département d’histoire, UQAM
Ce qu’on appelle l’« histoire nationale » n’implique de soi aucune opposition à ce à quoi on a donné le nom d’« histoire sociale ». Sur le même plan, c’est plutôt par rapport au local et au mondial qu’elle peut être située dans sa spécificité [1].
La Fondation Lionel-Groulx a récemment commandé et entériné une analyse de l’état de l’enseignement et de la recherche en « histoire nationale » dans les départements d’histoire des universités québécoises [2]. Comme l’affirme son directeur général, « pour la Fondation Lionel-Groulx, son conseil d’administration et son comité d’historiens, le débat sur la place réservée à notre histoire nationale dans nos institutions d’enseignement est un débat important et sérieux, qui mérite d’être mené avec rigueur et respect [3] ». Ce texte a suscité un débat virulent dans la presse écrite, débat auquel mes collègues professeurs dans les départements visés par ce document, ont pris une part relativement discrète et limitée [4]. Le format de la presse écrite se prête de toute façon très mal à une critique approfondie. Pourtant, ce document me semble révélateur d’une certaine attitude et d’un certain rapport à l’histoire qui se fait dans nos départements, attitude et rapport qui concernent au plus haut point la place de l’histoire nationale et de l’histoire politique dans le destin de la collectivité québécoise, et qui à mon sens méritent d’être dénoncés.
Cette mise au point étant faite, je résumerai mon propos : le document d’Éric Bédard est fondé sur une analyse superficielle et profondément erronée à la fois des enjeux sous-jacents à l’histoire politique et nationale, mais aussi sur une ignorance assez stupéfiante du fonctionnement, des objectifs et, finalement, de la pratique de l’histoire en milieu universitaire au Québec. Il fait partie de ce vaste défoulement de rancœur pseudonationaliste qui est née au Québec au cœur du débat sur les accommodements raisonnables et a été exacerbée par la réforme de l’enseignement de l’histoire au secondaire. Il n’est que la dernière mouture d’une vaste montée de lait (en fait de bile…) d’une certaine droite contre un ensemble de cibles prises un peu pêle-mêle : l’enseignement de l’histoire (au secondaire et au collégial), la didactique, la recherche historique, la politique d’octroi de subventions de recherche, l’histoire sociale, le contrôle [sic] fédéral de la recherche, la politique de nomination aux chaires de recherche, les engagements aux postes universitaires, voire le rayonnement international (B-21), et que sais-je encore… L’analyse qui sous-tend ce document repose sur des amalgames abusifs (notamment entre histoire politique et histoire nationale) comme sur des dichotomies à la fois fautives et dépassées (par exemple entre histoire sociale et politique-nationale). Il constitue en somme non seulement une insulte à l’intelligence collective des chercheurs qui, dans nos universités, ont profondément renouvelé notre histoire nationale depuis plus de 25 ans, mais aussi une intolérable régression des problématiques de recherche (et d’enseignement) qui doivent interroger les conditions d’évolution et de construction de la communauté québécoise. Les lignes qui suivent s’emploieront à démontrer ce triste constat.
I : La démonisation de l’histoire sociale
Dans le document d’Éric Bédard, l’histoire sociale apparaît comme l’ennemi numéro un (après la reconnaissance, consentie du bout des lèvres, de l’importance des résultats acquis dans ce champ) d’une histoire du « fait national ». En fait, tout le document repose sur une dichotomie centrale, qui en constitue la trame principale, entre les suppôts de ce « regard » dominant fondé sur le « social » et la faible cohorte molestée et tourmentée des historiens politiques du national, approche « lourdement discréditée (B-9) » par les ténors de l’histoire sociale.
On ne s’étonnera pas de retrouver ici le mantra d’une certaine conception de l’état de la discipline, dont une des premières manifestations peut être retrouvée (si on se contente de l’espace canadien), dans les textes virulents d’historiens comme Michael Bliss ou J. L. Granatstein [10] : la recherche historique est dominée par une infinité de sujets éclatés regroupés sous l’étiquette d’histoire « sociale », l’ensemble de ces sujets plus ou moins pointus en venant à noyer sous sa masse les sujets jugés importants et « nationaux » comme la bataille de Vimy ou la biographie de Mackenzie King [11]. Ce pseudo « constat », dont on a depuis longtemps démontré la parfaite inanité [12], est en fait fondé sur une profonde incompréhension des enjeux sous-jacents à la montée de ce qu’on appelle trop facilement l’histoire « sociale ». Le document Bédard définit en effet ainsi l’histoire sociale :
L’histoire sociale plus récente appréhende le Québec comme une population d’individus vivant sur un territoire donné. Ces individus appartiennent à toutes sortes de groupes : classes, genres, ethnies, etc. La société globale de ces historiens est fragmentée par les revendications de ces groupes sociaux ou identitaires qui luttent pour se faire une place au soleil ou pour être reconnus par le pouvoir. L’histoire sociale rend compte de ces affrontements et les restitue, la plupart du temps, dans un contexte particulier : celui de l’avènement de la modernité. […] Cette histoire sociale prend aussi la forme de l’histoire « culturelle » qui se penche sur le discours des élites. Si les méthodes de l’histoire culturelle empruntent davantage à la littérature et à l’anthropologie qu’à la sociologie traditionnelle, l’esprit reste le même (B-7 et 8).
Cette image d’une histoire sociale (et culturelle) se réduisant à celle de « groupes » fragmentés dans le contexte de la modernité n’est en fait qu’une caricature (et on le verra loin d’être la seule dans ce document !) de ce qu’implique la notion d’« histoire sociale ».
On me permettra un bref détour par l’histoire pour expliquer ce point fondamental. Au cours du siècle dernier, deux grands mouvements d’ensemble ont bouleversé à jamais le paysage des sciences sociales, y compris l’histoire.
Dans un premier temps, l’ensemble social, la « société » comme telle, sous la loupe des sciences sociales naissantes, apparaissait de plus en plus, non pas comme un donné mais un problème. Il ne suffisait plus de décrire ces formations sociales comme ces ensembles nationaux finis et cohérents que les historiens du XIXe siècle, notamment, s’efforçaient de replacer dans une trame historique unitaire marquée par l’action des grands hommes et le choc des événements marquants : il fallait bien au contraire partir des mille formes du lien social, de ce tissu complexe de rapports sociaux et politiques pour reconstituer les tendances fondamentales, les régularités qui permettaient de les comprendre et de les expliquer. Dans ce contexte, ce n’était pas tant l’« histoire politique » comme telle qui devenait désuète, mais la conception de la société qu’elle portait, comme simple résultat de la volonté et de l’action des citoyens. La nation devenait moins une entité à historiser qu’un construit à comprendre, dans l’espace comme dans le temps.
C’est dans ce contexte qu’on peut comprendre la critique féroce que fera le sociologue Simiand de la pratique des historiens du tournant du siècle, dénonçant notamment le culte pratiqué des « idoles de la tribu historienne » :
Il serait temps et il serait bon, semble-t-il, de renoncer dès maintenant à un certain nombre d’habitudes […] qu’on pourrait appeler […] des « idoles de la tribu des historiens » et d’entamer sans retard une lutte contre elles. Je donnerais volontiers comme exemples :
1° L’« Idole politique », c’est-à-dire l’étude dominante, ou au moins la préoccupation perpétuelle de l’histoire politique, des faits politiques, des guerres, etc., qui arrive à donner à ces événements une importance exagérée […] Il ne faut pas que les faits politiques soient ignorés, mais il faut qu’ils perdent la place éminente, tout à fait injustifiée, qu’ils conservent même dans les recherches des autres branches de l’histoire.
2° L’« Idole individuelle » ou l’habitude invétérée de concevoir l’histoire comme une histoire des individus et non comme une étude des faits, habitude qui entraîne encore communément à ordonner les recherches et les travaux autour d’un homme, et non pas autour d’une institution, d’un phénomène social, d’une relation à établir [13].
C’est cette valorisation de l’individu, et des événements surtout « politiques », qui apparaissait, en s’intéressant aux épiphénomènes, au contingent, à l’éphémère des événements survenus et des vies fragiles, empêcher la perception des grandes lois du devenir humain, des tendances fondamentales de l’agir. Comme le disait Durkheim dans une formule frappante, il s’agissait, d’urgence, d’« aller plus bas dans le réel ». En faisant cela, malgré ce que prétend l’analyse de Bédard, il ne s’agissait pas tant de cibler des « groupes » ou des intérêts particuliers et sectoriels de l’ensemble social : il s’agissait plutôt de comprendre le fonctionnement du lien social et des institutions qui le structuraient. On postulait ainsi que l’analyse des masses, des grandes séries de l’agir humain, constituait une voie bien plus efficace vers la saisie de la totalité, vers ce que le disciple de Durkheim qu’était Lucien Febvre appellera, avec toute l’histoire des Annales, l’« histoire globale », comme aspiration et attente essentielle de toute entreprise d’étude scientifique des sociétés. On aura aussi compris que cette attente incluait les phénomènes politiques, mais en refusant de leur donner d’emblée une priorité analytique. Ou, plus précisément, derrière la dénonciation de ce que les historiens du « social » définissaient comme l’« histoire politique », il fallait voir la vision réductrice d’un « politique » qui se confinait à la surface des choses, à la survenance des grands événements, à l’action des grands hommes. C’est cette vision du politique qui est apparue comme obsolète et incompatible avec une histoire se voulant scientifique. C’est ainsi qu’un Trevelyan a pu affirmer : « social history is the history of people with the politics left out ». C’est pourquoi, dans la même logique, Braudel parlait de l’événement (politique) comme de l’« écume » à la surface des choses [14].
Le deuxième grand mouvement, véritable lame de fond qui va, au tournant des années 1930, bouleverser les sciences sociales, est en parfaite continuité avec le premier. Il s’agissait, par l’histoire sociale, de postuler une direction privilégiée aux études historiques, qui partiraient de la base, de la masse, en glissant « vers le haut ». Une histoire où il ne s’agissait plus seulement de prioriser les régularités et les tendances de fond face à la superficialité du politique, mais de postuler que la clef de la compréhension des mouvements de l’histoire venait de l’histoire des masses et de leur action transformatrice. Une histoire « from the bottom up » qui, encore une fois, ne niait nullement le politique, mais privilégiait dans son appréhension la présence centrale de l’acteur populaire.
C’est la fusion de ces deux grands paradigmes qui est à l’origine de la « domination » de l’histoire dite « sociale ». Non pas une domination d’un « sous-champ disciplinaire », comme dirait le rapport Bédard, mais d’une philosophie fondamentale de la production historique. Les grands paradigmes interprétatifs que sont le marxisme, le structuralisme, le fonctionnalisme, dont certains déplorent aujourd’hui l’effondrement, n’étaient en fait que des modalités interprétatives, de grands récits mettant en scène ces philosophies de l’être-ensemble.
Ce que le rapport Bédard ne permet évidemment pas de comprendre, c’est que la domination de l’histoire sociale a été à l’origine de sa crise profonde et, finalement, de sa perte partielle de sens. Si chaque régularité, chaque phénomène social, chaque modalité du lien social, chaque forme de regroupement devenait l’objet particulier qui retenait l’attention des tâcherons de l’histoire sociale, le postulat de totalité au cœur de cette activité devenait de plus en plus lointain, comme une conséquence de plus en plus improbable, un idéal de plus en plus inatteignable, une aspiration de plus en plus abstraite face à l’éparpillement des travaux dans tous les coins d’un « social » hypertrophié. Pire encore, à force de caricaturer le politique comme étant le lieu du superficiel et du temporaire, on en venait à négliger ces formes essentielles de régularités que sont les institutions politiques, à commencer par l’État. Même la version progressiste de l’hégémonie du social, chez les historiens du « bottom up », se contentait souvent de décrire complaisamment la vie à la « base », quitte à décrire admirativement ces « montées au politique » que constituaient les révoltes et révolutions des masses. Mais par la force des choses, on s’empêchait de penser les caractéristiques propres de cette montée au politique ainsi que les données constitutives de cette sphère et de cette dimension de l’action humaine que constitue le politique.
En fait, il est facile de faire de l’omniprésence des problématiques « sociales » en histoire le bouc émissaire des malheurs de l’histoire politique (et nationale…), mais c’est aux dépens d’un oubli majeur : sous le coup de la multiplication des études sectorielles du social, la notion d’« histoire sociale » en est venue à vouloir dire n’importe quoi et à perdre en bonne part son sens et sa capacité d’unification des problématiques. L’histoire sociale est devenue une immense baudruche plus ou moins vide, une étiquette vague, une identité molle qui permettait de rassembler, sans but et sans programme, tous ceux et celles qui travaillaient sur la « société » [15]. Il n’est pas étonnant, en conséquence, que ses principes de base (la possibilité de reconstitution de la totalité à partir des régularités du social) aient été minés par la montée de l’histoire culturelle [16] et plus globalement des théories post-modernes de l’individu et de l’acteur.
Mais il est un autre phénomène fondamental que l’auteur du document sous analyse passe complètement sous silence [17] : le mépris, voire la caricature dans laquelle les ténors de l’histoire sociale moderne (du moins les plus conservateurs) ont tenu le « politique » a provoqué de fait une fulgurante renaissance des problématiques politiques en histoire. Au sein même de l’école des Annales, il a fallu faire une place à ces travaux en histoire politique qui, dans la parfaite logique des régularités à trouver au cœur du social, montrait de telles régularités au sein du politique [18]. Il s’agissait, en termes clairs, de montrer que le politique ne pouvait se réduire aux événements importants et à la saga des grands personnages. Que l’histoire politique n’était ni une sous-discipline sous surveillance, ni une simple « catégorie » du social, mais une dimension essentielle de l’existence en société, dimension qui permettait de comprendre non pas tant les agrégats du social, les formes multiples prises par les rapports entre les individus, mais plutôt les exigences propres du pouvoir et de la décision collective, de ce type d’agir ensemble où la contrainte sur tous et toutes est centrale, et où l’avenir de la collectivité se joue. Cette dimension ne pouvait se réduire à la comptabilisation des grands nombres, à l’appréhension des masses, même pas à un mouvement du bas de l’ensemble social vers les hauteurs éthérées du pouvoir. Il s’agissait de comprendre, en fin de compte, que le politique résidait dans le social aussi, qu’il représentait moins une « sphère » qu’une modalité de l’action humaine, et que son étude avait des exigences analytiques propres. C’est cette réaction, ce que j’ai appelé ailleurs « le retour du refoulé », et pas simplement la promotion d’un « champ » d’études, comme certains bourdieusants pressés ont qualifié le phénomène, qui était en jeu dans l’apparition de revues comme le Bulletin d’histoire politique. Il s’agissait en fait, au-delà de la conscience immédiate de ses fondateurs, de la version québécoise d’un mouvement de réanimation du politique présent dans l’ensemble de l’Occident. Il n’est d’ailleurs qu’à feuilleter les numéros du BHP pour comprendre le processus en action. L’ensemble impressionnant de thématiques sociales, mais interrogées sous l’angle du politique forme l’essentiel du Bulletin, bien devant l’histoire des batailles et la biographie des grands hommes.
Et pour cause ! Cette mise en valeur du politique n’avait rien à voir avec une quelconque réhabilitation des formes anciennes, rejetées depuis des lunes, privilégiées par l’histoire politique du XIXe siècle. Qu’on m’entende bien ici, pour qu’il n’y ait pas confusion. Il ne s’agit pas de dénoncer le caractère anecdotique et non scientifique de la biographie ou de l’étude d’un événement particulier. La « nouvelle histoire » elle-même, dénoncée par Bédard, a très bien su utiliser ces formes particulières d’écriture historique pour arriver à ses fins [19]. Il s’agit simplement de reconnaître qu’étant donné les exigences de la recherche historique actuelle et le mode de construction de ses objets d’étude, le centrage sur un individu ou un événement ne constitue pas un réflexe premier. Du point de vue de l’histoire qui se fait, revendiquer comme priorité d’étude l’histoire d’une bataille, la biographie d’un grand personnage, c’est prétendre assigner à une personne et à un événement une importance préalable à l’étude. Je reviendrai sur ce point.
Récapitulons. Faire de l’histoire sociale le vilain de l’histoire, dichotomiser abusivement histoire sociale et histoire politique comme deux approches opposées, caricaturer l’histoire sociale comme confinée aux groupes et aux divisions non politiques de la société, c’est non seulement ne rien comprendre aux grandes tendances de l’historiographie depuis plus d’un siècle : c’est fausser à la base le problème qu’on prétend résoudre. L’histoire sociale et l’histoire politique ne sont pas un jeu à somme nulle, où ce que l’un gagne est aux dépens de l’autre. Il s’agit de deux modes d’interrogations fondamentales, étroitement interreliées et complémentaires, souvent portées par les mêmes personnes sous des étiquettes différentes qu’elles peuvent choisir [20]. Il est donc bien inutile de postuler, comme le fait Éric Bédard, un « fossé » qui se creuse entre ces « deux conceptions de l’être-ensemble (B-7) [21] ». Il s’agit en fait de formes de recherche de la totalité qui s’englobent l’une l’autre de façon souvent inextricable [22]. Comme le dit Romain Huret dans un article faisant le point sur la question, « there is no such thing as political victory without social, demographic, and cultural mobilization [23] ».
II : L’amalgame facile (et fallacieux) de l’histoire politique et de l’histoire nationale
Le lecteur pourrait se demander par quelle aberration on ne trouve pas, dans le document d’Éric Bédard sur l’histoire politique et nationale, la moindre mention des développements importants des problématiques en histoire politique depuis 20 ans, ici comme ailleurs [24]. Ou, dit autrement, par quel processus la longue lutte pour le développement scientifique d’une perspective politique en histoire est-elle devenue surtout une lutte « nationale » avec le politique à son centre ?
La réponse est toute simple. Comme il devrait maintenant être clair pour le lecteur, la montée en puissance ou en hégémonie de l’histoire sociale ne s’est jamais faite aux dépens d’une dénonciation de l’histoire nationale comme telle [25]. Tous ces gens là faisaient, par excellence, de l’histoire nationale, mais une histoire libérée de ses vieux démons positivistes et de ses naïvetés analytiques [26]. On a trop peu souligné en effet que la croissance de l’histoire nouvelle, dans toutes ses formes, a toujours gardé l’espace national comme centre de ses analyses (et objectif ultime de sa quête de totalité). En d’autres termes, le « national » n’a jamais été un adversaire à terrasser, puisqu’il n’était pas un enjeu : simplement une prémisse.
De toute évidence, le procédé adopté par le document consiste à amalgamer plus ou moins le politique au national, en utilisant par exemple l’expression « histoire politique du fait national (B-17, 34, 36) ». Par une opération digne du Saint-Esprit, le développement de l’histoire sociale devient non seulement pernicieux pour l’histoire politique, mais pour l’histoire nationale aussi. On se désole à la pensée de ces centaines d’historiens et d’historiennes, « révisionnistes » ou non, qui s’imaginaient naïvement contribuer depuis une génération à l’histoire renouvelée de la collectivité québécoise, et qui se retrouvent ainsi, par la puissance de la plume acérée (et pléthorique, mais c’est une autre question…) des contempteurs du social au nom de la Nation, hors de l’histoire nationale, dans le purgatoire (néanmoins dominant, ne l’oublions pas…) d’un social désincarné par péché d’universalisme… [27]
De fait, si le document, comme on l’a vu, manifeste une ignorance assez stupéfiante des enjeux et de la teneur de l’histoire sociale qu’il dénonce, les choses, on le devinera, ne s’améliorent pas quand il s’agit de définir le politique :
Par politique, nous entendons autant les enjeux internes qu’externes, c’est-à-dire les dynamiques de pouvoir entre les hommes, la concurrence des visions sur la marche à suivre, l’adoption de lois significatives, la diplomatie officielle ou parallèle, les batailles militaires, en un mot toutes ces activités qui orientent durablement la vie d’un peuple particulier aux prises avec les défis de son existence nationale. Bien sûr, les enjeux de nature socioéconomique peuvent avoir des répercussions sur la vie nationale ; on pense encore, dans le cas du Québec, au phénomène d’infériorité économique des Canadiens français. Mais ce sont surtout les conséquences politiques de ces phénomènes qui intéresseront les historiens du national : la nationalisation de l’hydroélectricité, la création de la Caisse de dépôt et placement, etc. (B-8)
On est stupéfié du caractère à la fois vague et flou de cette définition [28], malgré l’allusion au « pouvoir », aux « lois » et à la « diplomatie » et évidemment aux « batailles »… On aura compris que le rapport d’Éric Bédard s’intéresse ici très peu à l’« histoire politique » comme telle, celle dont il affecte d’ignorer les développements des dernières décennies. Il s’intéresse plutôt à cette partie de l’histoire politique qui concerne la « Nation » ou, comme il dit, le « fait national ». Évidemment ici, pas besoin de définition, étant donné que le sens de fait national va de soi : la Nation s’impose comme collectivité de sens à promouvoir. Le seul « politique » qui importe ici est évidemment celui qui permet de promouvoir cette « communauté de sens et de destin (B-8, 9, 17, 29) ». Est-il besoin de dire qu’en retour, dans un raisonnement parfaitement circulaire, cette communauté dont on parle ici est décrite comme relevant principalement du politique : « L’histoire nationale est le plus souvent politique (B-8) » ?
Mais l’est-elle ? Dans les deux graphiques qui détaillent les sujets de mémoires et de thèses des étudiants en « histoire nationale (B-32) », seuls 32 % des sujets sont en histoire politique comme telle (politique, militaire, relations internationales). Le reste des catégories relève de ces mêmes études des « groupes » sociaux dénoncées dans tout le reste du document (histoire de l’immigration, histoire religieuse, histoire locale, etc.). L’auteur se tire de cette contradiction gênante en disant ici donner « à l’histoire nationale un sens étendu, dès lors que le titre renvoyait au destin d’une nation singulière (B-29) ». Le social, expulsé par la porte d’en avant, se faufile comme par hasard par la porte d’en arrière de l’édifice conceptuel déjà branlant de ce rapport… à condition de montrer patte blanche et de « renvoyer » au destin de la collectivité.
Mais on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. Ou bien l’histoire sociale est une « sous-discipline (B-26) », un « regard (B-7) » particulier, une « conception de l’être ensemble (B-7) », ou bien il s’agit d’une entreprise de savoir qui, autant qu’une autre, peut dégager un savoir sur le national. Dans ce dernier cas, quel est le sens comme la pertinence de tout cet exercice ? De dénoncer la place indue d’une histoire sociale de façon à la reconvoquer immédiatement au service du national ? C’est armé de ces concepts branlants et de ces catégories contradictoires que notre « chercheur » va examiner nos départements d’histoire.
III : L’enseignement et la recherche universitaire en histoire. Le cas de l’UQAM
C’est ici que le document d’Éric Bédard atteint des sommets de bêtises (on me permettra de le dire respectueusement…). D’abord par l’incohérence totale des catégories du social, du politique et du national déjà analysée. On ne s’étonnera pas de voir que l’auteur va s’organiser pour trouver ce qu’il cherche désespérément à montrer : la « négligence » subie par l’histoire nationale. Cela dit, malgré la définition ridiculement étroite qu’il donne du « national », on pourrait se féliciter de voir que, quand même, un tiers des mémoires et thèses portaient sur la question…
Mais le problème est qu’on ne peut même pas se fier à ces chiffres, et cela pour plusieurs raisons. La première est que la méthode de sélection des sources (règle de base de tout historien sérieux comme on sait) est fautive. Le fait de s’attacher aux titres (de cours, de mémoires, de thèses ou de projet de recherche) ne permet nullement de connaître vraiment la teneur des thèmes ou des aspects traités. Par exemple, comment savoir si un mémoire sur l’enfermement des ivrognes au Québec [29] touche le politique (la réponse est oui, car il traite des législations sur l’alcoolisme) ou sur la nation ? Que penser du discours sur le destin de la nation menacé par l’alcool dont traite le mémoire ? Voilà de la bonne histoire nationale, dont je suis fier d’avoir dirigé la recherche (moi, humble historien du social)…
Quand il s’agit d’étudier l’enseignement dispensé au département [30], le problème est encore pire. L’analyse par les titres des cours dispensés ne permet ni de comprendre la logique de construction d’un programme, ni de saisir le type de cours en cause [31]. Ainsi, la comptabilité des cours donnés en histoire dans le document d’Éric Bédard ne tient par compte des cours à thématiques (qui changent chaque année et qui concernent souvent le politique et le national), ni les cours à visée comparative (qui traitent du Québec, mais au sein d’un espace plus large [32]). L’ensemble des statistiques de ce document relève de ces choix douteux…
Mais il y a pire. Reprenant un vieil argument déjà avancé par Comeau et Rouillard [33], l’auteur déplore le « recul » de l’histoire politique nationale dans la réforme adoptée au premier cycle du département d’histoire de l’UQAM il y a deux ans. Ici encore, on se contente de comptabiliser le nombre de cours d’après les titres. C’est oublier que la refonte du programme a suivi une planification précise, qui a permis de consolider et de développer l’offre en histoire politique en privilégiant non pas l’éclatement des problématiques plus ou moins en rapport avec cette dimension de notre histoire, mais plutôt du développement de l’enseignement historique dans ce domaine en trois aspects majeurs de l’univers politique québécois, soit le droit (HIS-4501 et 4503), la citoyenneté (HIS-4529) et l’État (HIS-4504) [34].
De fait, le département d’histoire où je travaille a toujours été un des leaders dans le développement de l’histoire politique québécoise, tant par l’enseignement dispensé que par la recherche faite (et subventionnée) [35]. Il a mis en place aussi des structures de recherche importantes, qui ont contribué à accentuer encore ce leadership [36]. Il n’a donc de leçon à recevoir de personne, surtout en matière de planification de la recherche et d’engagement professoral.
IV : L’histoire nationale : son enseignement, sa portée
Par quelle étrange aberration a-t-on réussi ainsi à viser la mauvaise cible, en faisant de l’histoire sociale la némésis d’une certaine histoire politico-nationale, tout en passant à côté des développements les plus importants en histoire politique au Québec, et en promouvant une définition historiquement dépassée et ridiculement étroite de l’histoire politique [37] ? On aura compris qu’il ne s’agit pas d’une litanie d’erreurs gratuites. Comme le texte de Bédard le mentionne explicitement, le constat du discrédit (B-9) auquel serait soumise notre histoire nationale a commencé ailleurs, au moment de la réforme de l’enseignement de l’histoire au secondaire amorcée il y a quelques années. En parallèle, cette version bancale de l’histoire nationale repose aussi sur une conception particulière de notre histoire, conception portée (ou accréditée) par les travaux (notamment) de Jacques Beauchemin. Pour comprendre le fondement de ce débat, pour saisir le moment et le lieu où il a été irrémédiablement faussé, il faut dire quelques mots de ces deux aspects. Un peu d’histoire et d’épistémologie seront donc nécessaires avant de conclure.
1. La lutte contre le nouveau programme d’enseignement au secondaire
La réforme du programme d’enseignement de l’histoire au secondaire a cristallisé et exaspéré deux malaises importants qui croissaient depuis des années. D’abord l’inquiétude de certains tenants de l’histoire nationale devant la proposition d’un enseignement de l’histoire plus ouvert sur les différences (notamment ethniques) et les groupes, proposition émise par le rapport Lacoursière en 1996, et la lente montée en influence des didacticiens [38] dans la structure étatique responsable des enseignements au primaire et secondaire, comme dans les programmes universitaires (aux dépens de l’enseignement disciplinaire). Le programme de 2006, en plus d’instrumentaliser l’histoire au profit d’une formation à l’« éducation civique », reposait sur une conception particulièrement affadie et mollement consensuelle de l’histoire de la communauté québécoise. La conception didactique qui l’inspirait était aussi fortement imprégnée du constructionnisme social de plus en plus dominant dans cette discipline. On a souvent oublié, et il est d’autant plus important de le rappeler, que ce projet de réforme a soulevé une levée de boucliers générale chez les historiens, nationalistes ou non, du social, du culturel et du politique. Une première lettre de protestation avait d’ailleurs paru dans Le Devoir, dénonçant la brutale mise de côté de la question nationale dans ce programme [39]. En tant que titulaire de la Chaire Hector-Fabre à l’époque, j’avais tenu à ce que la Chaire prenne fermement position face à ce projet de réforme. J’avais aussi insisté vigoureusement pour qu’on distingue, en se concentrant sur le premier, entre deux problèmes d’ordre tout à fait différent : d’une part, le type d’histoire qui était mise en pratique dans ce programme et ses liens avec ce que l’histoire, comme discipline, pouvait réellement apporter à un programme d’enseignement, et, d’autre part, les méthodes pédagogiques et la philosophie didactique qui sous-tendait ce programme (comme l’ensemble des programmes du secondaire) [40].
Malgré cet effort de critique de fond, le débat n’a pas tardé à dégénérer. Ce qui avait été d’abord un mouvement de dissidence critique très large des historiens face à la façon dont était traitée dans ce projet de programme la discipline historique et son développement récent [41], est vite devenu une critique du manque d’événements politiques majeurs dans ce programme, critique accompagnée d’une charge à fond de train contre l’approche didactique en matière de compétence à acquérir. La critique était ainsi ravalée à une dénonciation du manque de contenu en matière d’événements politiques nationaux (la Conquête, les Rébellions, etc.) en plus de se rabattre sur une conception de l’enseignement essentiellement axée sur la transmission des sacro-saintes « connaissances ». Il s’est agi, à mon sens, d’un détournement majeur de la critique fondamentale que méritait ce programme, au profit de la détermination de boucs émissaires tout trouvés (les « didacticiens ») [42]. C’est toute une discipline qui s’est tout à coup retrouvée sur les bancs d’accusation, fort injustement et inutilement [43].
Le débat si important sur la façon d’enseigner l’histoire nationale s’est ainsi retrouvé de plus en plus monopolisé par une conception étroite du national, agrémentée d’un mépris souverain de l’évolution de la pédagogie et de la didactique depuis une génération. Combat de troglodytes qui, obsédés par la bataille des Plaines et la « transmission des connaissances », ont réussi à fausser complètement un débat si important en s’aliénant, par la violence de leur attaque et l’ampleur de leur ignorance, la discipline clef au cœur de l’enseignement des jeunes. On en voit aujourd’hui, dans le document d’Éric Bédard, les conséquences aberrantes…
2. L’histoire nationale en question
La réforme du programme au secondaire a donc provoqué un dérapage qui a mené au cul-de-sac actuel de tout ce débat. Mais, dans la violence des polarisations, elle a aussi permis l’émergence d’une certaine vision de l’histoire nationale, vision qui insistait sur sa nécessaire dimension politique. Mais il y a plus. Cet éveil soudain au politique dans l’histoire n’était nullement issu du travail des historiens du politique qui, depuis 20 ans, approfondissaient le questionnement sur le pouvoir, sur les institutions, sur la formation du politique au sein du social, sur l’intégration des luttes diverses dans la sphère politique, etc. Bien au contraire, étant donné que le débat était né essentiellement au cœur de la question de l’enseignement de l’histoire (et non pas de sa production scientifique), le sens du concept d’« histoire nationale » a pris une acception tout à fait particulière. L’histoire nationale est devenue avant tout, non plus un domaine du savoir, mais une trame, le lieu d’un récit plus ou moins fermé, à raconter aux jeunes. D’où l’insistance sur les « connaissances », et sur les événements et les grands hommes. Il ne restait plus qu’à construire autour de cette pulsion une rationalisation, une construction théorique la plus consistante possible. Cela a été le rôle, entre autres, des travaux de Jacques Beauchemin.
Il s’agissait en fait de postuler une trajectoire communautaire comme moyen et instrument essentiel de cohésion collective. Toute la pensée de Beauchemin est ainsi construite autour d’un projet de mise en commun à partir d’un sujet historique assumé constant et unitaire. Il s’agit de « refonder la communauté politique autour d’un sujet politique réconcilié [44] ». Bien sûr, cette communauté se pense avec ses conflits et ses rivalités internes, mais ceux-ci sont toujours subsumés (sublimés ?) par la « nécessité ontologique et première du sentiment d’appartenance », car il s’agit de « retrouver la continuité dans le désordre des choses » [45]. Dans sa réaction au débat déclenché par le document d’Éric Bédard, mon collègue Beauchemin reprend les termes de ce programme, qui lui permet, comme Bédard, d’assimiler le politique au national, et d’en faire le pilier de notre entité communautaire.
On retrouve aussi le postulat du politique comme forme principale d’unité des identités éclatées : « L’histoire [politique] veut circonscrire le territoire […] d’une certaine unité à l’intérieur de laquelle peuvent ensuite s’expliquer l’inédit, le particulier, l’évènement et s’inscrire les groupes sociaux que privilégie l’histoire sociale ». Cette histoire pose « les clés de compréhension de ce qui les réunit et les divise », en transposant ces conflits « dans la continuité d’une histoire, certes conflictuelle, mais une histoire commune, celle d’un destin collectif à la lumière duquel les conflits peuvent être aménagés [46] ».
On ne peut faire ce postulat d’unicité dernière du politique que si on présume que la trame historique le conforte. Insister sur ce qui unit, conforter (et montrer) les moments (et les personnages) qui ont présidé à cette union peut satisfaire certaines visées politiques (que je partage en bonne partie), voire inspirer un lyrisme sentimental pour nos « valeurs » passées, mais cela n’est pas faire de l’histoire. On confond ici le produit fini auquel il s’agit d’arriver, récit efficace des origines et de la survie, avec l’objet social et politique qu’il s’agit de comprendre dans le temps. L’histoire déconstruit ces mécanismes d’unité pour en saisir la logique de fractionnement ; elle s’attache aux mille divisions qui apparaissent au sein de la communauté, non pas seulement pour en comprendre la fusion (temporaire) dans le grand tout national, mais aussi pour illustrer leur capacité de rupture. L’histoire, par devoir de sens, démonte la trame pour mieux analyser le fil, et la reconstruit dans sa vérité nouvelle comme existant historique et non comme simple référent mémoriel ou socle identitaire.
Or cette opération historique ne peut se faire que par deux processus complémentaires et inséparables :
- Étudier la société comme ensemble de liens noués de mille façons et à mille moments, et ne pas faire avancer l’analyse du national en parallèle du social, mais en son sein pour en dégager le sens (et la direction) politique.
- Comparer systématiquement avec le dehors de la communauté, avec les autres formes de coagulation du social qui se sont développées dans les autres communautés en même temps et à des rythmes différents.
Ceci impose de mettre entre parenthèses le postulat du « national », d’en faire non pas le point de départ de nos questionnements, mais le point d’arrivée (du moins un des points d’arrivée) de notre recherche de sens historique. C’est pourquoi les historiens ne peuvent pas se permettre de céder aux pressions démagogiques de ceux qui prétendent déjà, du haut de leur conscience nationale, savoir ce qui est important, et se permettent de distribuer les sujets à traiter en priorité comme autant de pensums donnés par des professeurs fatigués. Jacques Beauchemin (et trop d’autres), mène un bien mauvais combat en accréditant de brutales opérations de tordage de bras intellectuel au mépris des besoins et des exigences de la science d’aujourd’hui. On devrait pourtant savoir que dans nos « tours d’ivoire » (et l’ivoire se fait bien rare dans nos universités appauvries…), les intellectuels sont tout aussi soumis aux tempêtes de la société qu’ils desservent, que leur devoir premier est d’observer ces tempêtes, d’évaluer leur direction, de mesurer leur puissance comme leur potentiel de direction, en résistant à tout prix à se faire dicter leur quête de sens par les capitaines du navire, et encore moins par les matelots braillards qui voudraient bien que le navire penche vers la droite…
Et pourtant, dire ceci ne revient nullement à proposer un paresseux statu quo à nos départements et à l’histoire qui se fait. La discipline historique, tant au niveau de la recherche que de l’enseignement, ne manque pas de défis majeurs, et des combats autrement importants se profilent, combats dont on chercherait en vain la simple mention dans le document d’Éric Bédard (même si ces combats concernent au premier chef l’histoire nationale).
De fait, s’il faut lutter, ce n’est pas contre les historiens du social, mais contre ces courants de pensée qui les affaiblissent autant que nous, historiens du politique, que ce soit dans les culs-de-sac post-modernes, les raccourcis du pluralisme, les facilités du pragmatisme. Ce sont ces combats qu’il faut mener au sein de nos disciplines notamment, dans la recherche comme dans l’enseignement. Car céder à ces courants donne une histoire désinvolte où le passé est tout au plus un terrain d’excursion pour touriste jovialiste (Jocelyn Létourneau vient à l’esprit ici…) ou, pire encore, devient simple cas d’espèce d’une histoire aseptisée, ramenée au modèle simpliste de la « modernisation » (ou du capitalisme de la fin de l’histoire…). Chaque histoire nationale est incomparable dans son absolue spécificité, mais sa particularité ne peut se comprendre que comme modalité fragile et temporaire des grands vents qui secouent l’histoire du monde.
C’est pourquoi il faut résister, par exigence de sens, tant à ceux qui la noient dans le grand melting pot de l’humanité qu’à ceux qui voient dans le caractère (toujours) unique de sa trajectoire une essence quelconque, avec ses traits plus ou moins permanents. Car le passé, quoi qu’en disent les artistes en nostalgie, n’est pas une essence à préserver, une tradition à maintenir, une trame linéaire dont il ne s’agit que de remonter la pente. L’histoire est à quoi on s’arrache, dans un mouvement constant, et douloureux, de reconstitution de la communauté (et de biens d’autres formes d’identité). L’héritage qu’elle nous laisse n’est pas une identité à re-produire, mais, comme toute chose vivante, une aspiration à durer en se transformant. C’est pourquoi cette histoire n’a pas besoin de thuriféraire de son unité, ni d’idéologue lui supposant un destin déjà marqué dans sa « trame » gravée dans le temps. Cette histoire a désespérément besoin d’intellectuels et de chercheurs critiques, qui la réinterrogent sans relâche, révèlent ses travers autant que ses gloires, ses contradictions autant que les consensus auxquels elle arrive sporadiquement, ses doutes de l’avenir autant que ses aspirations à se réinventer.
C’est, au risque comme au défi du futur, l’histoire nationale que nous faisons. C’est la seule qui importe à ceux et à celles qui la vivront.
En guise de conclusion
Je laisse les lecteurs de la revue sur deux images. D’abord ces extraits d’un poème rédigé par René Lévesque en 1969, qui vient justement de publier Éric Bédard (sans manifestement en avoir saisi le sens profond…) [47]
[…] Le riche s’enrichit les gros font de la graisse
Au lieu de liberté des colonels en Grèce
Et contre l’inflation on chôme à Montréal
Cadillacs à crédit et vieux pauvres qui brûlent
Innombrables enfants qu’une faim ridicule
Fait mourir dans un monde où le blé se vend
mal… […]
Barbus aux cheveux longs cibles de belles
bulles
D’excommunication des imberbes inquiets
Êtes-vous beaux ainsi ou bien si laids ?
Qu’importe si par vous de vieux tabous
reculent […]
Un jour enfin l’école vint
Partout la secondaire
Pour tous l’espoir de faire
Finir par finir le « p’tit pain »
Révolution sans grands machins
Qui change tout sans rien défaire
Et demain ses contestataires
Seront ses meilleurs citoyens
Un peuple entier vient de renaître
Dont le passé n’est plus seul maître
Qui va oser vivre au présent…
Mon vieux Québec, tout jeune adulte
Ton renouveau te catapulte
Vers la liberté simplement…
Et puis cette image qui vaut mille mots, prise au square Victoria.
Crédit photo : Mariève Vautrin – Collaboration spéciale – Le DevoirL’histoire qui se fait, celle que nous faisons, comme celle qu’ont vécue nos ancêtres et prédécesseurs, est ce mélange fascinant des genres où la révolte contre les injustices du social nourrit la revendication politique, la nationale comme la mondiale en un même combat. Où la volonté de changer se fait avec, mais aussi contre l’histoire, dans une dialectique qui nous ramène à la vie.
Montréal, le 9 novembre 2011
[1] Bernard, Jean-Paul, « Vraiment “choisir un compartiment de la terre” ? », Robert Comeau et Bernard Dionne (dir.), À propos de l’histoire nationale, Sillery, Septentrion, 1998, p. 17.
[2] Bédard, Éric (avec la collaboration de Myriam D’Arcy), Enseignement et recherche universitaires au Québec : L’histoire nationale négligée, Montréal, Fondation Lionel Groulx, septembre 2011 (les chiffres entre parenthèses précédés d’un « B » réfèrent aux pages de ce document).
[3] Graveline, Pierre, « La ridicule théorie du complot du professeur Létourneau », Le Devoir, 30-10-2011.
[4] À des degrés divers de virulence, seuls, à ma connaissance, mes collègues historiens universitaires Létourneau, Petitclerc, Bienvenue, Hubert, Baillargeon et Fyson sont intervenus dans le débat.
[5] « Manifeste » du Bulletin d’histoire politique, vol. 1, no. 1 automne 1992 , p. 4-5 : http ://tinyurl.com/3bw828v. Ce manifeste a été entériné par l’ensemble du comité de la Revue, y compris son directeur Robert Comeau.
[6] « Notre histoire politique » Ibid., vol. 7, no. 1 aut. 1998, p. 6-9 :
http ://tinyurl.com/3b4b4cz.
[7] Voir aussi une explicitation de ces principes dans « Le retour du refoulé. L’histoire et le politique », Ibid, vol. 2, no 3 hiver 1994, p. 5-20 :
http ://tinyurl.com/3nvufj6.
[8] Je ne mentionnerai que pour mémoire les 47 livres, numéros de revue dirigés, articles publiés et conférences prononcées sur la question depuis 25 ans, de même que les 16 mémoires et thèses dirigés ou en cours.
[9] Même si, par un procédé d’exclusion auquel tout vétéran du monde universitaire est familier (il permet ainsi d’éviter le débat à moindres coûts…), le document de Bédard tient à classer mes travaux dans « la sous-discipline de l’histoire sociale » (B-26).
[10] Bliss, Michael, « Privatizing the Mind. The Sundering of Canadian History, the Sundering of Canada », Journal of Canadian Studies, vol. 26, no. 4, 1992, p. 5-17 et Granatstein, J. L.., Who Killed Canadian History ?, Toronto, HarperCollins, 1998.
[11] On retrouve une version à peine modifiée de cette vision dans le texte de Robert Comeau et Jacques Rouillard, « La réforme de l’enseignement de l’histoire et la marginalisation de l’histoire politique dans les universités francophones », Bulletin d’histoire politique, vol. 15, no 3, printemps 2007, p. 173-180. Ce document constitue, en définitive, une première mouture de l’argumentation développée et enrobée d’une semblance de « scientificité » par le document Bédard. On pourra le consulter en ligne à l’adresse suivante : https://www.erudit.org/fr/revues/bhp/2007-v15-n3-bhp04171/1054564ar/
[12] Je ne citerai que le débat (très bref, et pour cause !), suscité par le livre de Granatstein : la réponse très posée et assez triomphaliste d’un représentant de l’histoire « sociale », A. B. McKillop (« Who killed Canadian History ? A View from the Trenches »,The Canadian Historical Review, Vol. 80 no 2 June 1999, p. 269-299), et la réplique critique et cinglante de Brian Palmer (« Of Silences and Trenches : A Dissident View of Granatstein’s Meaning », The Canadian Historical Review Vol. 80 no 4 (Dec 1999), p. 676-686).
[13] SIMIAND, François, (1903) 1960, « Méthode historique et science sociale », Annales E.S.C., vol. 15, no. 1, janvier-février, p. 117. Je passe sur la troisième idole dénoncée, l’idole chronologique, moins pertinente à mon propos ici.
[14] Voir Fecteau, Jean-Marie, « L’écume des choses… Le statut de l’événement dans la pratique historienne contemporaine », Soussana, Gad, Joseph L. Lévy en collaboration avec Marcel Rafie (dir.), Actualités de l’événement, Montréal, Liber, 2000, p. 121-133.
[15] Ce constat, je le sais, diffère de l’analyse que fait mon collègue Martin Petitclerc (voir « Notre maître le passé ? Le projet critique de l’histoire sociale et l’émergence d’une nouvelle sensibilité historique », Revue d’histoire de l’Amérique française, Volume 63, Issue 1 2010, p. 83-113). Petitclerc à mon sens néglige la complexité et l’ambiguité des aspirations au cœur de l’apparition de l’histoire sociale. Il n’en reste pas moins que vouloir maintenir la tradition démocratique et critique « from the bottom up » d’une certaine acception de l’histoire sociale m’apparaît comme un projet tout à fait nécessaire, projet que je partage.
[16] Ici encore, le document d’Éric Bédard, qui fait de l’histoire culturelle une approche en parfaite continuité avec l’histoire sociale (en la réduisant à une étude du discours des élites !) (voir citation ci-haut), ignore ou sous-estime gravement la crise de sens que constitue la montée fulgurante des approches « culturelles ». Pour un aperçu, on pourra consulter Thierry Nootens « Un individu “éclaté” à la dérive sur une “mer” de sens ? Une critique du concept d’identité », Revue d’histoire de l’Amérique française, 62,1 (été 2008), p. 35-67 et le débat qui s’ensuivit dans la même revue (vol. 63, n° 1, 2009).
[17] Et pour cause : elle ruine le postulat même sur lequel est construit tout le document…
[18] Un moment important, pour l’historiographie française, a été la publication du livre-programme de René Rémond, Pour une histoire politique, Paris, Le Seuil, 1988.
[19] Pour mémoire, citons Georges Duby, Le dimanche de Bouvines, Paris, Gallimard, 1973, ou l’usage de la biographie chez Alain Corbin (Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot – sur les traces d’un inconnu 1798-1876, Paris, Flammarion, 1998).
[20] Ainsi, il devrait désormais être clair que l’histoire politique ne doit pas être confinée dans une « spécialité » étroite. Un des meilleurs historiens de l’histoire politique que je connaisse, Bruce Curtis (je pense entre autres à ses travaux novateurs sur les politiques de recensement au XIXe siècle canadien), refuserait avec virulence une telle étiquette…
[21] On notera, en passant, comment cette définition (assez exacte) de l’histoire sociale comme « conception de l’être ensemble » est contradictoire avec sa caractérisation comme histoire segmentée des groupes (voir citation plus haut) ou comme « sous-discipline » (B-26).
[22] Marcel Gauchet fait de son côté de la totalité l’apanage du politique, mais sans en faire lui non plus un champ dichotomique par rapport au social : « Ce qui assure en dernier ressort la cohérence globale des sociétés, c’est l’élément politique, de sorte qu’une histoire authentiquement « totale » ne peut être écrite que du point de vue du politique […] Cela ne veut pas dire, faut-il le préciser, une histoire faite par les historiens de la chose politique […]. Cela veut dire une histoire intégrant cette dimension problématique de composition globale du champ social à partir du politique, quel que soit son point d’entrée […]L’histoire politique, ainsi comprise comme histoire englobante, si l’on veut, n’exclut pas l’histoire sociale, elle l’inclut, tout à l’opposé, elle est une autre manière de l’aborder », M. Gauchet, « L’élargissement de l’objet historique », Le Débat, no 103, 1999, p. 144-145.
[23] Romain Huret, « All in the Family Again ? Political Historians and the Challenge of Social History » Journal of Policy History, Volume 21, Numéro 3, 2009, p. 258
[24] On comprendra que ce n’est pas le lieu de documenter cette expansion. On pourra consulter sur ceci, parmi une vaste littérature, le dossier tout récent que l’American Historical Association a consacré à la question : « Political History Today » dans Perspective on History, mai 2011 :
http ://www.historians.org/perspectives/issues/2011/1105/.
[25] Malgré ce que prétend le document : « Les historiens du social ont accusé les historiens du national de ne s’intéresser qu’aux élites, de négliger l’histoire des ouvriers, des femmes, des autochtones et des communautés ethniques, de présenter le peuple comme un bloc homogène (B-9) ». Cette critique, comme on l’a signalé plus haut, s’applique à l’histoire politique en général : la reconnaissance de la collectivité comme référent central n’a jamais vraiment été remise en cause par les historiens du social. La critique de l’« homogénéité » postulée du « peuple » est autre chose, mais elle concerne une certaine vision du national, et pas l’ensemble de l’histoire de la collectivité.
[26] Ici encore, le document d’Éric Bédard entretient la confusion en décrivant les historiens du social comme étudiant « des phénomènes qui se sont produits à l’échelle de l’Occident » alors que les historiens du fait national se centreraient « sur une nation particulière et s’intéressent surtout à ce qui est propre à cette nation (B-8) ». Le « fait national » est pourtant aussi universel que l’histoire de l’immigration. Les deux, également, prennent des formes particulières dans un espace national donné.
[27] Dans ce contexte, on comprend la réaction un peu ahurie de ma collègue Denyse Baillargeon à la critique dont elle et les historiens de sa « sous-discipline » font l’objet. Voir D. Baillargeon, « Le soi-disant déclin de l’histoire nationale au Québec », Le Devoir, 14-10-2011.
[28] « Enjeux entre les hommes » « activités qui orientent la vie d’un peuple », « enjeux qui ont des répercussions sur la vie nationale » : en quoi ces aspects ne touchent que le politique et ne concernent pas au premier chef une histoire sociale ?
[29] Forcier, Maxime, Alcoolisme, crime et folie : l’enfermement des ivrognes à Montréal, (1870-1921), Mémoire de maîtrise en histoire, UQAM, 2004
[30] On comprendra que je me concentrerai ici sur le principal département mis en cause, le mien. Je voudrais préciser que ce que je vais en dire n’a aucunement pour but de diminuer la contribution remarquable à l’histoire politique d’autres départements (je pense notamment à Martin Pâquet à Laval, à Michèle Dagenais, à l’Université de Montréal, à Louis-Georges Harvey, à Bishop, etc.).
[31] Pourtant, Éric Bédard a été chargé de cours à ce département, et Myriam D’Arcy, sa collaboratrice, y fait sa maîtrise ! On me permettra aussi de signaler qu’aucune de ces personnes n’a pris la peine (à ma connaissance) de consulter, ne serait-ce que quelques minutes, les personnes directement impliquées dans l’enseignement et la recherche en histoire québécoise à notre département. Je comprends qu’il ne s’agissait pas de faire une enquête approfondie, mais les erreurs flagrantes mentionnées ici auraient pu être évitées après vérification rapide auprès des intéressés.
[32] Ainsi le nouveau cours sur « Les dimensions historiques du politique », que je donnerai à l’hiver.
[33]Op. cit.
[34] Sans compter les cours sur les aspects connexes comme les inégalités (HIS-4517), l’Empire (HIS-4502) et les relations internationales (HIS-4594)
[35] L’espace me manque pour aborder ce point pourtant important. Qu’il suffise de dire que les carences analytiques profondes de ce rapport se doublent d’une totale incompréhension du mécanisme d’octroi des subventions au Québec et au Canada.
[36] On me permettra de corriger cependant une autre des multiples erreurs de ce rapport quand il s’agit du département où j’enseigne. La Chaire Hector-Fabre, vouée à l’histoire politique du Québec, a en effet fermé ses portes en janvier 2009. Éric Bédard prétend que c’est « faute de ressources professorales en histoire politique du XXe siècle québécois (B-28) ». La vérité est tout autre et jette une lumière crue sur l’étroitesse de vue et le caractère parfois odieux dont font preuve les protagonistes de ce débat. Le document de Bédard omet de mentionner que j’ai assumé la direction de cette chaire pendant trois ans (en remplacement de Robert Comeau), et que si, en effet, le financement de cette chaire n’a pas été renouvelé, c’est malgré un appui ferme du département, de la faculté et de la Fondation de l’UQAM, malgré une évaluation positive d’un comité universitaire réuni à cette fin, malgré une proposition de renouvellement formellement présentée aux organismes subventionnaires (dont la Fondation du Prêt d’honneur, on trouvera cette proposition à l’adresse suivante : http ://tinyurl.com/d68eube). Toutes ces tentatives pour la faire survivre ont échoué devant le refus têtu du fondateur de la chaire d’appuyer ce renouvellement, sous prétexte que celui-ci ne correspondait pas à la vision qu’il avait de l’histoire politique, vision reprise passivement dans le présent rapport et dont on constate maintenant les contradictions et les faiblesses. C’est le dogmatisme étroit des porteurs d’une certaine vision de l’histoire universitaire qui a fait ainsi perdre à l’histoire politique des ressources importantes, et non pas le pseudo « manque de ressources professorales ».
[37] On ne peut manquer de souligner un parallèle frappant avec le débat qui a eu lieu il y a une dizaine d’année à propos du « révisionnisme » de l’histoire québécoise dénoncé par Ronald Rudin. À l’époque, prenant la position tout à fait contraire à Bédard, Rudin dénonçait le nationalisme, le centrage étroit des historiens québécois (à commencer par les historiens de l’économie et du social) qui empêchait l’écriture historienne québécoise de se mesurer aux grandes questions de la discipline historique. Voir Fecteau, Jean-Marie, « Entre la quête de la nation et les découvertes de la science. l’historiographie québécoise vue par Ronald Rudin », Canadian Historical Review, vol. 80 no 3. Septembre 1999, p. 440-463. La différence était que l’analyse de Rudin reposait, elle, sur une lecture sérieuse de la production historique québécoise.
[38] Julien Prudhomme, « Réformer l’enseignement et réformer les maîtres. La transformation des programmes d’histoire nationale et ses acteurs au Québec, 1963-2006 », Bulletin d’histoire politique, vol. 15, no 2, hiver 2007, p. 185-216.
[39] « Le programme d’histoire au secondaire. Une nouvelle version à recentrer », Le Devoir, 28-9-2006. La brochette des signataires de cet article montre l’ampleur et la diversité de ce premier front de protestation : Denise Angers, Jaques Beauchemin, Éric Bédard, Jean-Paul Bernard, Marc Chevrier, Robert Comeau, Micheline Dumont, Jean-Marie Fecteau, Lucia Ferretti, Alain G. Gagnon, Yvan Lamonde, Laurent Lamontagne, Josiane Lavallée, Martin Pâquet, Guy Rocher, Jacques Rouillard, Louis Rousseau, Michel Sara-Bournet, Michel Seymour, Denis Vaugeois.
[40] Ce texte a été publié peu après : Jean-Marie Fecteau, Robert Comeau, Stéphane Paquin, Bernard Dansereau, Mourad Djebabla, Robert Martineau, Michel Sarra-Bournet, « Quelle histoire du Québec enseigner ? », Bulletin d’histoire politique, vol. 15, no. 1, automne 2006, p. 183-190. À ma connaissance, c’est le seul texte qui a réussi à réunir didacticiens (R. Martineau) et historiens dans la critique de ce programme.
[41] C’est sur cette base qu’était aussi intervenu, de façon critique, l’Institut d’histoire de l’Amérique française, par la voix de son président. Voir Marc Vallières, « Avis sur le projet de réforme du programme Histoire et éducation à la citoyenneté du deuxième cycle du secondaire », août 2006.
[42] On a trop sous-estimé la violence de la réaction anti-didacticienne provoquée chez les professeurs d’histoire par le contrôle acquis par les départements d’éducation sur la formation des professeurs en histoire. Il me semblerait urgent de mener ce débat de façon un tant soi peu sérieuse (et enfin sereine).
[43] La critique à faire, qui n’a rien à voir avec la question nationale, est celle, il me semble, de l’hégémonie des approches socio-constructivistes en didactique et ses effets sur l’enseignement disciplinaire. La réaction simpliste et à fleur de peau de certains didacticiens (et leurs alliés) aux dénonciations du programme, mettant le « naufrage » de la réforme au compte des « nationalistes », n’a évidemment pas aidé… Voir Michèle Dagenais et Christian Laville, « Le naufrage du projet de programme d’histoire “nationale” », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 60, no 4, printemps 2007, p. 517-550.
[44] Jacques Beauchemin, L’histoire en trop : la mauvaise conscience des souverainistes québécois, Montréal, VLB éditeur, 2002, p. 167.
[45]Ibid, p. 168. Et il ajoute : « Les sociétés appartiennent à leur tradition par le dépassement des appartenances nouées dans la culture (175). »
[46] Jacques Beauchemin, « Nécessaire défense de l’histoire nationale », Le Devoir, 28-10-2011. Même s’il partage l’univers interprétatif du document de Bédard, allant jusqu’à en affirmer la « rigueur », la lettre de Beauchemin montre un malaise certain, relevant l’« opposition simple et un peu commode » de l’histoire nationale à l’histoire sociale, comme le caractère « réducteur » du fait de rapporter l’histoire politique à celle des grands hommes.
[47] Éric Bédard, « René Lévesque – Homme de la parole et de l’écrit », Le Devoir, 1-11-2011.