Journal d’un candidat

Nous avons tenu ce soir notre première assemblée générale des membres d’Option nationale de Sainte-Marie–Saint-Jacques au Centre Saint-Pierre Apôtre, lieu de rencontre habituel des forces progressistes.

9 juillet

Nous avons tenu ce soir notre première assemblée générale des membres d’Option nationale de Sainte-Marie–Saint-Jacques au Centre Saint-Pierre Apôtre, lieu de rencontre habituel des forces progressistes. La moitié de nos membres sont venus, soit une trentaine sur 60 et nous avons formé un comité électoral de 8 personnes. J’ai fait un discours pour stimuler l’ardeur de nos militants et dénoncer les turpitudes du Parti québécois qui a encore une fois renoncé à porter le projet de pays. La direction du parti m’a présenté mon DOC (directeur de l’organisation de la circonscription), Charles-Étienne Beaudry qui a déjà participé à deux élections avec l’ADQ.

18 juillet

Le Devoir a publié mon texte intitulé « Vote stratégique ou vote authentique » où je démonte l’argumentaire des apôtres de l’unité péquiste. De nombreux militants me disent que ce texte les a confortés en justifiant la raison d’être d’Option nationale.

23 juillet

Ce matin, j’ai réalisé mon dépliant publicitaire qui n’est pas définitif, on en discutera demain soir avec mon comité électoral. En plus des éléments clés de notre programme, j’ai inclus une lettre à mes concitoyens dans laquelle j’explique pourquoi je me présente à cette élection. Nous avons loué un local électoral situé au 2017 rue St-Denis qui nous donnera une excellente visibilité. Ce sera mon QG de campagne de même que celui du national.

Ce soir, j’ai entrepris une tournée pré-électorale afin de connaître les membres d’ON et de les inciter à participer à la campagne. Il pleuvait à boire debout, mais on ne s’est pas découragé. J’ai rencontré des gens très intéressants dont un vieux monsieur de 90 ans, très vert et très lucide, qui avait la revue L’Action nationale sur son bureau. Il m’a dit qu’il était indépendantiste depuis 1942. Il enseigne le français aux immigrants chinois. Dommage que ces personnages restent ignorés de la population. Il y a des héros inconnus.

30 juillet

En début de soirée, je vais frapper aux portes de mes voisins pour leur demander de signer mon formulaire de mise en candidature. Mais comme c’est le temps des vacances, il y a peu de portes qui s’ouvrent. Je vais donc au-devant d’eux en m’installant devant le supermarché pour les aborder et les convaincre de signer mon bulletin de mise en candidature. La plupart des gens acceptent de signer, mais il y a des récalcitrants, soit les anglophones (il y en a plus que je pensais dans mon quartier) et les péquistes qui nous accusent de diviser le vote. Sans argent, sans visibilité médiatique nous ne dépasserons pas le 3 % ce qui sera déjà un bon résultat et nous donnera des ressources financières pour envisager l’avenir. J’ai une bonne équipe jeune et motivée et notre seul moyen de propagande est le contact direct avec les citoyens aux sorties de métro et dans le porte-à-porte. Beaucoup d’escaliers à monter en perspective. Une campagne c’est très exigeant physiquement. Il faut être en forme.

1er août

La campagne officielle sera déclenchée ce matin et elle sera très agressive, car l’opinion publique est très polarisée. Hier, je suis allé à Trois-Rivières où avait lieu le caucus des candidats et des organisateurs. Le mot d’ordre est de faire une campagne positive. Nous avons eu droit à un « discours de motivation » de Camil Bouchard qui nous a donné deux conseils : la rigueur dans nos déclarations et la chaleur humaine dans nos rapports avec les militants et les citoyens. En principe, il faut, nous a-t-il dit, trouver du plaisir à faire campagne. Nous n’avons pas d’objectifs quantitatifs. Il faut profiter de cette campagne pour faire connaître nos idées et si possible faire élire notre chef.

Il y avait environ 200 personnes réunies au centre de curling Laviolette. Aussant nous a annoncé que nous avions 120 candidats à la veille du déclenchement des élections ce qui est un exploit remarquable pour un nouveau parti. Espérons qu’ils réussiront tous à réunir les 125 signatures nécessaires. Beaucoup de candidats n’ont pas encore commencé à recueillir les signatures. C’est la première tâche du candidat.

Dans cette séance de formation des candidats, on nous a expliqué comment il fallait organiser notre campagne. Nos formateurs qui pour la plupart viennent du Bloc utilisent évidemment le modèle de campagne des vieux partis : porte-à-porte, pointage téléphonique, etc., mais je doute que cette stratégie soit appropriée pour un jeune parti qui n’a que 3000 membres d’autant plus que notre clientèle cible ce sont les jeunes qui n’ont pas voté dans le passé et qui ne sont pas souvent à la maison. C’est un peu comme si on nous proposait de faire rouler une Cadillac sans nous donner d’essence. On nous a aussi vanté les vertus du web 2,0, mais je demeure sceptique quant aux capacités de persuasion de Facebook et de Twitter puisque ces nouveaux médias s’adressent à des gens qui ont les mêmes affinités et qui pensent de la même façon. Je reconnais toutefois que c’est utile pour la mobilisation et le renforcement des convictions.

3 août

J’ai continué la chasse aux signatures cet après-midi sous un soleil de plomb. Nous avons franchi le cap de la centaine. Il faudra toutefois en rajouter une dizaine de plus par mesure de sécurité. Durant mon périple, j’ai croisé Manon Massé, candidate de QS qui n’avait recueilli que 43 signatures. Par la suite je me suis rendu à notre permanence sur St-Denis angle Ontario. Le local est exigu, mais cette vitrine nous donne une grande visibilité dans un quartier fréquenté par les jeunes. C’est aussi un lieu de rassemblement pour les militants.

Ce soir, nous avons organisé une soirée de financement, car nous n’avons pas un dollar en caisse pour payer le matériel publicitaire. Nous avons invité une trentaine de personnes à venir assister aux feux d’artifice sur une terrasse privée près du fleuve. La soirée fut parfaite grâce aux attentions d’Hélène et de Vincent, nos hôtes. Les discussions furent animées sous un ciel étoilé. Nous avons amassé environ 800 $. Comme le National prend 60 % de nos recettes, il nous restera 300 $. Un seul regret, il y avait peu de résidents du comté en dehors de mon équipe de campagne. Je n’ai pu ajouter que deux signatures. Les pancartes des autres partis poussent comme des champignons sur les rues alors que nous sommes invisibles. Cela montre l’importance de l’argent dans les campagnes électorales.

4 août

J’ai consacré la matinée à préparer les communiqués du national avec les membres de la Commission politique que je préside. J’ai aussi rédigé un jeu de questions et réponses sur notre programme pour aider nos militants dans leur porte-à-porte.

5 août

Pierre Leclerc a organisé une assemblée de jardin qui s’est transformée en assemblée de cuisine aux chandelles, car à la suite d’un coup de vent, un arbre est tombé dans la rue voisine et a arraché les fils électriques. Il y avait une dizaine de jeunes avec qui j’ai discuté pendant trois heures. Certains étaient anarchistes et la plupart proches de QS. Ils ne sont pas très préoccupés par la souveraineté. Leurs questions portaient plutôt sur le scrutin proportionnel et le projet de société, mais ils ne savent pas trop quoi mettre dans ce concept. Ce sont des militants qui ont manifesté contre la hausse des frais de scolarité et qui ne croient pas beaucoup à l’action politicienne. Mais ils étaient ouverts et curieux de nos positions. Ils craignent d’affaiblir QS en votant pour ON et ils souhaitent une alliance des partis progressistes et indépendantistes. Ce fut très instructif. Je pense avoir réussi à leur montrer certaines incohérences dans les positions du PQ et de QS sur la question nationale. Ce que je retiens surtout c’est qu’ils n’ont aucune idée des effets du fédéralisme. Ils raisonnent comme si le Canada n’existait pas. Je crois que c’est le concept même de pouvoir qu’ils n’intègrent pas dans leur mode de pensée. Ils vont certes dénoncer les positions de Harper sur l’abandon du protocole de Kyoto ou en politique internationale, mais les effets du système fédéral sur le potentiel de développement du Québec ne sont pas pris en compte.

7 août

Comme je suis président de la commission politique, la direction des communications m’envoie toutes les demandes d’informations ou les questions qui concernent notre programme. Je croule sous l’avalanche. Les citoyens profitent de la campagne pour prendre la parole et interpeller les partis sur les enjeux qui les préoccupent. Parfois, les questions proviennent des partis adverses et mettent en cause notre raison d’être, d’autres sont très pointues comme celles sur la pollution sonore dans le Vieux Montréal, d’autres proviennent de groupe de pression, mais la plupart portent sur des positions qui ne sont pas suffisamment développées et demandent des éclaircissements. Les citoyens nous transmettent leur liste d’épicerie, ils tentent d’influencer les décisions en monnayant implicitement leur vote ou ceux des membres de leur association en échange d’engagements. Il faudrait prendre position sur tous les besoins des groupes de pression. Tout y passe : la gestion des matières résiduelles, les motards, l’horticulture, les automobilistes, la lutte contre l’obésité ou le tabagisme, les groupes environnementaux, les professionnels de la santé, les syndicats, les artistes, les partisans du e-gouvernement, les OGM, les aînés, les comités de parents, les écoles privées, les retraités du secteur public, les scientifiques (Je vote pour la science !), les intervenants en employabilité, la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, les producteurs forestiers, etc. La rédaction des réponses me prend de 3 à 4 heures par jour. Heureusement, j’ai l’appui de Pierre Cloutier et de notre Centre de recherche qu’il a constitué à cette fin. Il faut déployer des prodiges d’imagination pour donner des réponses cohérentes sur des sujets qui ne sont pas traités dans le programme. Ce travail est utile, car il fait connaître notre parti dans différents milieux. J’éprouve aussi une certaine satisfaction lorsqu’un correspondant me dit qu’il votera pour nous après avoir lu ma réponse. « J’apprécie grandement que vous ayez pris la peine de me répondre. Je trouve votre programme fort intéressant. Je crois qu’il conviendra aussi à mon conjoint qui trouve QS trop à gauche et le PQ corrompu. Merci et bonnes élections ! ! » S. G.

9 août

En début d’après-midi j’ai participé avec JMA à une conférence de presse pour le lancement officiel de notre campagne au Club Soda. Il y avait de nombreux journalistes et trois caméras. Nous avons annoncé le dépôt d’une injonction pour permettre la participation de Jean-Martin aux débats télévisés. J’ai expliqué que le traitement réservé à Option nationale était inique puisqu’en 1985, j’étais chef du Parti indépendantiste, que nous avions un député qui siégeait à l’Assemblée nationale, Pierre de Bellefeuille, qui lui aussi avait fait défection du PQ et que j’avais participé au débat des chefs en français et en anglais en compagnie de Pierre-Marc Johnson et de Robert Bourassa. Les journalistes et même Jean-Martin ignoraient ce fait. L’histoire politique est vraiment mal en point au Québec. Il me semble qu’évoquer un précédent historique aurait eu du poids dans notre argumentation ce qui n’a pas été fait. C’est décourageant de produire des connaissances, d’écrire des livres sur les débats télévisés et de constater que personne ne s’en sert.

La sempiternelle question de la division du vote est revenue sur le tapis et j’ai repris mon argumentaire : 1- La démocratie est fondée sur la liberté d’expression et d’opinion et l’existence même de tout parti politique implique une division dans la société, qu’il y en ait deux ou dix. Tous les partis divisent donc le vote. On peut même dire que le PQ divise le vote des indépendantistes en faisant croire qu’il est souverainiste alors qu’il invite les fédéralistes à voter pour lui ce qui implique qu’il ne fera pas la promotion du projet de pays une fois élu, car il n’aurait aucune légitimité. 2- Le droit de vote existe pour permettre aux citoyens d’exprimer leur conviction quant à la gouverne collective en votant pour le parti qui représente leur vision de l’avenir. Le vote dit stratégique implique un manque d’intégrité, car si je suivais cette logique je devrais me trahir moi-même et donner ma confiance à un parti qui non seulement ne me représentera pas, mais qui gouvernera contre les idées que je défends parce qu’il entretiendra l’illusion qu’on peut régler les problèmes du Québec en n’ayant que la moitié du coffre d’outils. Si on peut bien gérer le Québec sans la souveraineté alors pourquoi vouloir faire un pays indépendant ? 3- Notre parti ne divise pas, il veut rassembler les indépendantistes et en faire une force politique. C’est le PQ qui a échoué au test de l’unification et qui a avec le temps exclu les progressistes et les indépendantistes de ses rangs par ses têtes à queue idéologiques et ses incohérences. On ne construit rien de solide dans l’ambigüité, on ne fait qu’entretenir des illusions ou des miroirs aux alouettes.

Mais on a beau faire des efforts herculéens pour expliquer nos positions, il y a eu très peu d’échos dans les médias. On dirait qu’il y a une conspiration du silence contre nous. En fin en soirée, il y avait un grand rassemblement au Club Soda. Atmosphère électrique. Beaucoup d’énergie et d’enthousiasme manifestés par un public de jeunes militants. Je me suis senti ragaillardi. On y a diffusé en plus de la vidéo de Catherine Dorion qui est un chef-d’œuvre d’humour et d’intelligence ainsi qu’une autre capsule vidéo où je fais plusieurs apparitions. Nous ne pouvons compter que sur les réseaux sociaux pour assurer la diffusion de notre message.

10 août

Nous avons eu une déconvenue hier avant d’aller chez le directeur du scrutin en comparant nos signatures avec la liste électorale. Nous avons constaté qu’environ 30 % des personnes qui avaient signé le formulaire de mise en candidature n’étaient pas inscrits sur la liste électorale. Il y a une très forte mobilité dans ma circonscription, les gens déménagent beaucoup et ne pensent pas à faire le changement d’adresse sur la liste. Il a fallu faire le trottoir pour trouver 50 signatures supplémentaires. Cette quête de signature est épuisante surtout dans les quartiers ou les gens déménagent alors que dans les quartiers riches ou en banlieue les candidats n’ont sans doute pas un taux de rejet aussi élevé. Mais grâce à l’esprit fonceur de Charles-Étienne, nous avons relevé le défi et j’ai déposé mon formulaire au directeur du scrutin. Je suis maintenant candidat officiel d’Option nationale.

11 août

Même si je suis en campagne il y a d’autres obligations à rencontrer. J’ai fait relâche ce matin pour faire les révisions du tome 2 de mon prochain livre, L’histoire intellectuelle de l’indépendantisme, qui sera publié chez VLB en octobre. J’ai aussi terminé la révision d’un autre livre sur l’élection présidentielle française qui sera publié par les Éditions l’Harmattan. En fin de journée, je suis allé appuyer notre candidate à Sainte-Marguerite du lac Masson. On a des candidats extraordinaires. Samuelle a organisé une activité de financement, un spectacle équestre : Les chevaux dansent pour l’indépendance. Avec ses cavalières elle a donné un spectacle de bonne tenue même sous la pluie. Elle est en plus jeune mère de famille et professeur à l’université.

12 août

Des amis me demandent comment va ma campagne. Je suis incapable de leur répondre. Tout ce que je sais c’est qu’on est absent de l’espace public. Les télédiffuseurs avec la complicité des autres partis ont décidé de nous exclure du débat des chefs alors que nous sommes un parti représenté à l’Assemblée nationale. Cette absence réduira notre crédibilité et le nombre de nos électeurs. Si les gens n’entendent pas parler de nous, ils ne penseront pas à voter pour nous, nous n’apparaîtrons pas dans les sondages et les électeurs ne nous prendront pas au sérieux. Nous tenterons d’obtenir une injonction, mais dans le passé les juges ont toujours donné raison aux télédiffuseurs au nom du respect liberté de la presse. Le droit du public à l’information ne pèse pas lourd.

Ce soir, j’ai organisé une réunion de formation pour nos bénévoles qui colleront les affiches et feront du porte-à-porte. Je les ai appelés nos ambassadeurs soit une dizaine de gars et une seule fille qui chaque soir tapisseront les poteaux avec des affichettes en papier et qui frapperont aux portes pour faire connaître notre parti. Ils se sont activés dès la fin de la réunion et il y a ma binette sur tous les poteaux sur St-Denis entre Sherbrooke et René-Lévesque. Je prie pour que la pluie ne les fasse pas disparaître.

14 août

Ce soir, j’ai fait du porte-à-porte sur la rue St-Hubert. Beaucoup de portes restent fermées, mais lorsqu’elles s’ouvrent les électeurs sont pour la plupart sympathiques et accueillants. Il y en a deux qui ont dit voter pour ON. Il y a même une famille qui était en train de diner qui m’a invité à entrer prendre un verre de vin pour discuter politique. Ils n’étaient pas souverainistes, mais désiraient entendre mon point de vue. Je suis resté 20 minutes à discuter. Malheureusement, je n’avais pas de dépliants à leur laisser. Par la suite, je suis allé faire un discours en appui à Nic Payne, candidat dans le comté voisin du mien au bar L’inspecteur Épingle. Encore là beaucoup de jeunes gonflés à bloc. J’ai eu des échanges stimulants avec une jeune universitaire qui s’occupe de l’organisation du comté voisin Laurier-Dorion. Ces jeunes militants sont rafraichissants.

Je viens d’envoyer le manuscrit sur l’élection présidentielle française à mon éditeur parisien. Avec ténacité on vient à bout de tout.

15 août

L’afficheur hurle, nos colleurs d’affiches ont eu maille à partir avec les employés de la Ville de Montréal qui arrachent nos affichettes sur les poteaux. Mais le comté sera malgré tout tapissé par nos cinq équipes de bénévoles.

16 août

J’ai participé en soirée à une épluchette western dans un HLM sur la rue Logan. Il y avait environ 60 résidents qui m’ont fait un bon accueil. Ils sont heureux de rencontrer des candidats. J’ai pu distribuer mes dépliants tout frais sortis de l’imprimerie. Le candidat du PQ nous a suivis, mais il a évité le contact en se réfugiant dans le fond du jardin où il est resté tant que nous avons été sur place.

17 août

L’affichage commence à faire son effet. On m’arrête dans la rue pour discuter de la situation politique ou pour me souhaiter bon courage. Depuis le début de la campagne, j’entends souvent des citoyens avancer l’argument de la péréquation pour s’opposer à l’indépendance. Je pense que le travail d’explication n’a pas été suffisamment fait sur cette question. Le PQ ne s’est jamais préoccupé de la formation politique de ses membres. La péréquation n’est pas un cadeau du Canada, c’est un mécanisme de compensation pour le sous-développement économique qui résulte bien souvent des politiques fédérales. Le lien entre l’effet et la cause ne se fait pas. Si nous étions indépendants et pouvions utiliser tous les outils d’un État, on n’aurait pas besoin de péréquation qui est une forme d’assistance sociale.

19 août

J’étais parmi les personnalités publiques qui ouvraient le défilé de la fierté gaie. J’ai pu socialiser avec Denis Coderre un de mes anciens étudiants, Louise Harel, Marguerite Blais, Bob Ray que j’ai connu il y a 40 ans, et Amir Kadhir avec qui j’ai eu une vive discussion concernant une éventuelle unification de nos partis. Je n’ai pas cherché à rencontrer le maire Tremblay, Jacques Duchesneau, Justin Trudeau, Thomas Mulcair avec qui je ne me sentais aucune affinité. Au long du défilé, ces vedettes ont quitté les rangs et je me suis retrouvé en tête du défilé avec Hélène et quelques candidats d’ON venus nous rejoindre. Nous sommes allés jusqu’au bout de la parade comme nous le ferons avec notre projet de pays. J’ai pu faire quelques entrevues avec des journalistes et nous avons fait tapisserie dans les reportages télé. J’ai dû inventer une position sur l’homophobie et j’ai trouvé le moyen de relier cette question à l’indépendance. C’est la petite phrase que le Journal de Montréal a publiée : « La souveraineté va libérer la communauté gaie de l’ostracisme du gouvernement fédéral. L’homosexualité ne sera plus soumise à l’idéologie de droite qui s’implante. »

En soirée, j’ai regardé le débat avec quelques militants à la brasserie Le Patriote. Legault et David ont fait de bonnes prestations. Le simple fait de participer au débat donne une énorme crédibilité dont Mme David profitera. Notre absence à l’inverse va nous coûter beaucoup de votes. David a fait une profession de foi souverainiste pour attirer à elle les électeurs péquistes de sa circonscription. Mais QS tient un double langage puisque Amir Khadir a soutenu il y a quelques jours que son parti était pour l’indépendance si nécessaire, mais pas nécessairement l’indépendance. De l’enfumage. QS est aussi électoraliste que le PQ. Leur programme est anémique au chapitre de l’accession à l’indépendance.

20 août

Petite incursion dans les médias locaux avec deux entrevues à Radio centre-ville. L’auditoire est restreint, mais on nous accorde suffisamment de temps pour exposer nos idées. En réponse à des questions précises comme : « quelle est votre politique pour améliorer le logement social ou pour favoriser le développement scientifique au Québec », j’ai développé une stratégie de réponse qui montre comment nous pourrions améliorer les situations si nous étions indépendants. Ainsi on pourrait récupérer les budgets de la SCHL qui viennent d’être réduits par le fédéral et les utiliser à meilleur escient. Même chose pour le soutien à la science dont les budgets viennent aussi d’être coupés par le fédéral. On pourra mieux investir les ressources financières en fonction des besoins de recherche du Québec. Toujours faire le lien entre les problèmes concrets et la récupération des ressources financières que permettra l’accession à l’indépendance.

21 août

Hier, j’ai circulé entre deux univers sociologiques. J’ai visité l’Accueil Bonneau qui profite de la campagne pour sensibiliser les partis à la problématique de l’itinérance très présente dans ma circonscription. J’ai dû élaborer une politique à cet égard avec l’aide de mon directeur de l’organisation qui connaît bien cette question puisqu’il a été bénévole à l’Accueil Bonneau. J’ai aussi pris conscience du travail formidable que font ces bénévoles. Au retour, un itinérant m’a abordé en me disant « Vous êtes Denis Monière ? J’ai vu votre photo sur les poteaux ». Malheureusement, je doute qu’il puisse voter. En soirée, j’ai participé à une assemblée de condo dans une des résidences chics et chères de la rue Sherbrooke. Appartements luxueux et modernes, magnifique vue sur Montréal. Il y avait une dizaine de résidents qui sont venus m’entendre et je pense en avoir convaincu la moitié de voter pour moi. Au retour, je me suis arrêté au dépanneur et le caissier lui aussi m’a reconnu et m’a dit qu’il voterait Option nationale. Cela montre que notre message commence à passer grâce aux moyens artisanaux que nous déployons. Si on avait la même visibilité que les autres partis, notre impact serait considérable.

22 août

Marois a pu parler à un million de personnes, moi j’ai eu un public de 45 personnes au bar le Saint-Ciboire où nous avons organisé un « micro ouvert » pour financer le reste de la campagne. Il fallait payer 10 $ pour me poser des questions sur notre programme. Je suis tombé par hasard sur le débat de 1985 auquel j’ai participé avec Pierre-Marc Johnson et Robert Bourassa. Plus de 25 ans après, mon discours est toujours d’actualité, je pourrais le reprendre textuellement. Les tergiversations du PQ nous ont fait perdre tout ce temps. Encore des années de taponnage et d’illusions qui vont générer des déceptions et accroître le cynisme.

23 août

Nous avons enfin eu nos affiches chandelles et pu compléter notre affichage : 72 pancartes en tout. C’est une goutte d’eau comparé au PQ et à QS. Ma vidéo de campagne a aussi été mise en ligne. Nos faibles moyens de communication sont activés à moins de deux semaines du scrutin. Encore une fois, Pauline Marois a infligé une profonde déception à ses troupes en changeant son fusil d’épaule. Des indépendantistes sincères sont restés au PQ en croyant qu’avec le référendum d’initiative populaire ils pourraient relancer le débat. Ils croyaient qu’en rassemblant les signatures de 15 % des électeurs, ils pourraient mettre le projet de pays à l’agenda. Poudre aux yeux, illusions. Encore une fois, ils ont été piégés par leur crédulité. Cette mobilisation populaire qui devait être exécutoire est devenue consultative par la volonté de la chef qui a fait fi de ses membres et des décisions de ses instances. C’est le gouvernement qui décidera comme avant du moment opportun d’agir pour l’indépendance. C’est pitoyable. Comment peut-on encore faire confiance à des gens qui renient leur parole dès que nos adversaires les critiquent ? Pour accéder au pouvoir, ils sont prêts à tous les renoncements. Ils ne sont pas fiables et n’ont pas la détermination et le courage qu’il faut pour bâtir un pays.

26 août

J’ai participé ce midi à la fête organisée par Mario Beaulieu célébrant le 35e anniversaire de l’adoption de la loi 101. Paradoxal tout de même cette idée de fêter une loi qui est en lambeau et de demander un renforcement de la politique linguistique. C’est un peu la quadrature du cercle ou un nœud de contradictions comme si on pouvait imposer l’unilinguisme français dans un pays bilingue. Les tribulations de cette loi depuis son adoption ont bien montré que sans l’indépendance les législations linguistiques ne sont que des cataplasmes. On retarde les choses et on se complait dans l’illusion. On entretient le mythe de la survivance alors que les forces démographiques jouent contre nous. On dénonce l’anglicisation de Montréal comme si on pouvait l’enrayer dans un cadre provincial. J’ai croisé le candidat du PQ qui prétend qu’on peut changer la donne linguistique sans faire l’indépendance. J’ai aussi rencontré un candidat du Parti indépendantiste qui s’inspire du Front national et qui propose, lui, d’arrêter l’immigration. Québec solidaire brillait par son absence. J’ai fait ensuite trois heures de porte-à-porte par une chaleur accablante en compagnie de Maire-Ève. J’ai monté plusieurs escaliers vermoulus. J’ai reçu l’appui de deux vétérans du mouvement indépendantiste : Jean-Pierre Bonhomme et Luc Rainville, qui a fait partie du comité exécutif sous René Lévesque.

27 août

J’ai donné une entrevue à CIBL sur les enjeux locaux du comté. Encore une fois j’ai fait le lien avec l’indépendance. On ne peut résoudre les problèmes comme le logement social avec la moitié d’un coffre d’outils. Le fédéral réduit les programmes d’aide au logement social pour investir 20 milliards dans l’armement. Si on était indépendant, on pourrait allouer les ressources fiscales que nous envoyons à Ottawa en fonction de nos priorités. Pourquoi nier l’évidence et se contenter des miettes ? J’ai fait valoir qu’ON était le seul parti à vouloir réaliser l’indépendance, les autres étant les champions de la tergiversation et du peut-être.

28 août

Nous sommes à court de munitions. Il n’y a plus de dépliants publicitaires à distribuer dans le porte-à-porte et nous n’avons plus d’argent pour en faire imprimer. Entrevue au journal The Gazette. La journaliste voulait me faire dire que la question identitaire était un enjeu majeur de la campagne. La question de la laïcité et du crucifix n’a occupé l’ordre du jour que durant 48 heures et je ne pense pas que cela ait un impact sur le choix des électeurs sauf peut-être dans le comté de Trois-Rivières puisque la candidate péquiste a profité d’une forte exposition médiatique. Les médias anglophones perçoivent le Québec à travers leur obsession du nationalisme ethnique.

En soirée, autre séance de porte-à-porte dans l’est du comté. J’étais accompagnée d’Hélène et de Pierre qui sont du quartier. Très bon accueil chez les jeunes électeurs qui se montrent attentifs lorsqu’on leur parle de l’indépendance et de ses avantages. Hélène a eu une petite phrase merveilleuse. « ON veut rallumer les petites flammes bleues. » Comment mieux expliquer de façon aussi imagée notre projet ?

29 août

Je n’ai pas trouvé d’expression meilleure que le syndrome du borgne pour qualifier un phénomène observé durant un débat avec les candidats de ma circonscription dans un centre pour jeunes itinérants. Tous les candidats prennent des engagements pour améliorer le logement social, les services de santé ou encore pour préserver l’environnement sans jamais faire référence aux actions du gouvernement fédéral. Ils raisonnent comme si le Québec était souverain et n’était pas limité par son statut de province. Ils proposent de régler les problèmes en n’ayant qu’une moitié du coffre d’outils, et une moitié des recettes fiscales. La candidate de QS propose d’aller chercher l’argent dans les poches des compagnies pour payer la facture de la justice sociale. Je lui ai rappelé que le Québec envoyait chaque année 50 milliards $ à Ottawa qui servaient à acheter des armes et à faire la guerre et non pas à payer des programmes sociaux. Le logement social est géré par le Québec et par le fédéral, deux structures administratives, deux systèmes de normes différents. Pourquoi ne pas abolir un niveau de gouvernement et rapatrier tous nos impôts ? Il y a cécité à l’endroit des dédoublements administratifs. Ils raisonnent comme si le Québec n’était pas une province. Nous sommes les seuls à mettre en cause la distribution des pouvoirs et à montrer les avantages que nous donnerait l’indépendance. J’ai pris l’exemple de QS, mais cette incohérence se retrouve aussi au PQ qui ne parle jamais de l’autre gouvernement en campagne électorale. Encore une illusion qui fait croire aux Québécois qu’ils sont maîtres chez eux. A force de faire croire aux électeurs qu’on peut trouver des solutions à tous les problèmes comme gouvernement provincial, les gens ne comprendront pas pourquoi on veut sortir du Canada.

30 août

Visite au cégep André-Laurendeau qui est très éloigné de mon comté et où je n’ai aucun électeur. Il s’agissait faire connaître le parti. J’ai constaté dans mes discussions avec les étudiants qu’ils ne savaient pas qui était Laurendeau. Sans connaissance historique, il est difficile d’avoir un jugement éclairé sur le présent.

J’ai participé à un autre débat dans le quartier centre-sud organisé par les organismes communautaires. Le candidat du PQ n’a pas jugé opportun de venir à la rencontre des électeurs, estimant sans doute que sa victoire est déjà assurée. Quelle arrogance ! Il a peut-être aussi eu peur de se retrouver sous les feux croisés d’ON et de QS comme la veille où j’avais mis en doute sa fiabilité idéologique puisqu’il y a quatre ans il était candidat NPD aux élections fédérales et qu’en août 2011 lors d’une assemblée du NMQ, il a déclaré que la souveraineté politique du Québec n’avait pas d’importance et que tout ce qui comptait pour lui c’était la souveraineté énergétique. Il est candidat du PQ par carriérisme. Les électeurs souverainistes de Sainte-Marie-Saint-Jacques ne pourront pas compter sur lui pour faire la promotion de la souveraineté.

 Nous avons abordé des thèmes comme la santé, le logement social, l’action communautaire, l’éducation. Comme hier, j’ai été le seul à faire le lien entre l’indépendance et les réponses aux problèmes sociaux. J’ai dénoncé les dédoublements administratifs et soutenu que le fédéralisme réduisait notre marge de manœuvre financière en donnant l’exemple des doubles déclarations d’impôts dont la gestion coûte 800 millions de dollars. J’ai aussi parlé de la création d’une Caisse québécoise d’assurance-emploi qui permettrait de mieux financer les chômeurs et d’investir dans leur formation professionnelle.

Si j’en juge par les réactions du public, mes interventions ont été très appréciées. Mes critiques de la politique fédérale en logement social ont même été entérinées par des intervenants du milieu. ON a marqué des points. On a surpris par la pertinence de nos positions. Un organisateur est venu me voir à la fin pour me dire qu’il était content de nous avoir invités, car au départ les organisateurs pensaient limiter le débat au PQ, à QS et à la CAQ.

31 août

Dans un jeune parti, il y a souvent de l’improvisation et des pertes de temps. J’ai participé à l’enregistrement de capsules vidéo pour diffusion sur le web. Cela a pris 6 heures et le résultat ne sera diffusé qu’à partir de dimanche. Un peu tard pour faire de la publicité.

1er septembre

Conférence de presse au parc Lafontaine. Une douzaine de candidats de Montréal sont venus décliner les dangers du vote stratégique. Grand rassemblement en soirée au Club soda pour clore notre campagne. J’ai fait un discours où j’ai repris des arguments développés à l’occasion des débats cette semaine.

Bonsoir combattants de l’indépendance.

Avec cette campagne électorale estivale, nous avons vécu notre baptême du feu et grâce à votre acharnement et à votre dévouement, nous avons gagné la bataille de la crédibilité, de la cohérence et de la détermination. Nous avons montré que c’est en combattant que les choses deviennent possibles. Nous avons été fidèles à nos convictions et avons réussi à construire une force politique indépendantiste. Nous avons combattu les marchands d’illusion et de confusion, ceux qui veulent se bâtir une carrière plutôt que de bâtir le pays.

ON est le parti de l’ambition nationale. ON a été le seul parti à faire le lien entre l’indépendance et le règlement des problèmes sociaux. Nous avons fait la preuve de notre pertinence.

Les discours de nos adversaires sont provincialistes et surréalistes. Ils prennent des engagements pour améliorer le logement social, les services de santé ou encore pour préserver l’environnement sans jamais faire référence aux actions du gouvernement fédéral. Ils raisonnent comme si le Québec était n’était pas une province et qu’il n’y avait pas un autre gouvernement qui impose ses volontés. Ils masquent une partie de la réalité. Ils nous font accroire qu’ils peuvent régler les problèmes en n’ayant qu’une moitié du coffre d’outils, et une moitié des recettes fiscales. Ce sont des borgnes qui veulent nous diriger et qui ne disent pas la vérité sur les coûts du fédéralisme. Pourquoi n’entend-on jamais le PQ ou QS dénoncer les politiques fédérales en campagne électorale ? Lorsque la question du logement social est discutée, ces partis ne parlent jamais de la politique fédérale qui réduit ses dépenses pour investir dans l’achat d’avions de combat ou pour faire la guerre en Afghanistan ? Pourquoi ne proposent-ils pas de rapatrier les 50 milliards d’impôts que nous donnons à Ottawa ? C’est là où se trouve l’argent pour financer la santé, l’éducation, l’aide sociale. Pensez-y, un seul avion de combat F-35 vaut 462 millions. Si nous étions indépendants, nous pourrions réduire le budget des dépenses militaires et nous payer la gratuité universitaire. Si on rapatriait les impôts, nous n’aurions qu’un seul rapport à faire ce qui épargnerait 800 millions $ par année. Pourquoi ne pas dire aux Québécois que le fédéralisme avec ses dédoublements et sa gabegie bureaucratique nous coûte cher non seulement en argent, mais aussi en cohérence de notre société et de nos programmes gouvernementaux.

Seul ON tient un discours cohérent, dénonce les dédoublements administratifs et montre concrètement les avantages de l’indépendance. Les Québécois ont besoin d’Option nationale pour connaître la vérité.

Ces partis qui se disent souverainistes font tout pour endormir les citoyens et leur cacher la réalité des rapports de pouvoir. Ce sont des adeptes de la « mesmérisation » (néologisme reprenant le nom de l’illusionniste Mesmer) du discours politique. Ils légitiment notre subordination en la dissimulant. Comment faire évoluer la conscience politique des Québécois, comment les convaincre de la nécessité de l’indépendance si on leur fait croire qu’il n’y a pas de gouvernement au-dessus d’eux et qu’on peut régler tous les problèmes ? C’est en campagne électorale qu’il faut faire la pédagogie de l’indépendance, car c’est le moment où les citoyens sont les plus attentifs et les plus réceptifs au discours politique.

Sans ON, les Québécois n’auraient pas entendu parler de l’indépendance dans cette campagne.

En plus d’entretenir ce déni de la réalité, nos adversaires ont fait de la surenchère au sujet du vote stratégique. J’estime qu’appeler à voter stratégique est une forme d’escroquerie intellectuelle. C’est demander aux gens de se mentir à eux-mêmes, de trahir leurs convictions en votant pour un parti qui ne reflète pas ce qu’ils pensent, uniquement parce qu’il a plus de chance de gagner l’élection. C’est un détournement du sens démocratique. Voter majoritaire c’est un comportement de « suiveux », c’est abdiquer son propre jugement. Il n’est pas étonnant qu’une fois élus ces partis méprisent des électeurs qui se sont laissés duper par opportunisme électoral. Pourquoi tiendraient-ils compte de l’opinion de gens qui se laissent berner ? Ceux qui acceptent cette logique de choix doivent se préparer à vivre une série de déceptions. Ceux qui préconisent le vote stratégique contaminent l’esprit civique et propagent le cynisme politique qui gangrène notre vie démocratique.

J’aimerais conclure cette campagne en citant une phrase de mon ami le poète Gaston Miron : « Tant que l’indépendance n’est pas faite elle reste à faire ». Merci à Jean Martin et à tous nos militants qui nous permettent d’être des Québécois authentiques et de bâtir le pays. Ce n’est qu’un début, continuons le combat. ON est la voix du projet de pays. Vive le Québec libre, vert et prospère.

4 septembre, jour J

Il n’y a plus rien à faire. On n’a plus le droit de faire campagne, mais les candidats peuvent visiter les bureaux de scrutin pour saluer les artisans de la démocratie qui assurent le bon déroulement du vote. Ceux à qui je parle se montrent accueillants et souvent me disent qu’ils connaissent un cousin ou une nièce qui votera pour nous. J’ai aussi croisé quelques voisins un peu gênés parce qu’ils vont voter PQ et qu’ils savent qu’ils seront en contradiction avec ce qu’ils m’ont déjà dit de ce parti. Ils s’excusent en soutenant que la prochaine fois ils pourront voter pour l’indépendance. Remettre à plus tard les choix fondamentaux, ne pas assumer ses idées ou ses ambitions, tergiverser, fuir la confrontation seraient-ils des traits caractéristiques de la culture politique québécoise ? Cet état d’esprit ne reflète-t-il pas le complexe du minoritaire qui se contente d’un destin rabougri ? Au Québec, il semblerait qu’être cohérent soit associé à une forme de radicalisme.

Même s’il y avait un rassemblement officiel à Nicolet, nous avons organisé une soirée électorale au Bar L’Inspecteur épingle pour réunir les militants des quatre comtés du centre-ville qui ne pouvaient se rendre dans le comté du chef. Nos attentes quant aux résultats étaient faibles sauf en ce qui concerne l’élection de Jean-Martin et l’annonce de sa défaite nous a déçus, mais je n’ai pas senti de découragement. On avait fait ce qu’on pouvait et nos militants après avoir encaissé le choc se sont mis à discuter de ce qu’il fallait faire pour améliorer notre organisation. On se revoit d’ailleurs la semaine prochaine pour créer une association de comté.

5 septembre

Pouvoir voter pour ses idées procure une grande satisfaction même si pour y arriver il faut déployer beaucoup d’énergie. En posant ma croix à côté de mon nom, j’ai pu dire mission accomplie. Nous avons réussi à reconstruire une force indépendantiste, modeste certes, mais dynamique et cohérente. Nous avions 2000 membres avant la campagne, nous en avons maintenant plus de 6000. Cette campagne nous a surtout permis de construire une culture de la militance. Nos membres ont acquis de l’expérience, ils ont appris à travailler ensemble, ils ont porté le message indépendantiste dans leur milieu, ils ont tissé des liens amicaux et affectifs. Tous ces facteurs renforcent la cohésion de notre parti.

Les sondages en début de campagne nous créditaient de 1 % des intentions de vote, nous avons obtenu 2 % en dépit de la campagne de peur et de chantage du Parti québécois et de QS qui chacun à sa façon appelait à voter stratégique. Seule ombre au tableau, nous avons perdu dans Nicolet-Bécancour. L’absence de Jean-Martin à l’Assemblée nationale réduira notre visibilité qui n’était pas bien grande. Notre chef devra aussi retourner sur le marché du travail ce qui réduira sans doute sa marge de manœuvre. Mais nous aurons droit au financement annuel de l’État ce qui nous permettra de continuer à diffuser le message indépendantiste. Avec 82 857 votes, nous devrions recevoir autour de 75 000 $. Il nous faut dès maintenant construire notre organisation qui était embryonnaire, former des associations de comtés, améliorer notre programme et donner des cours de formation politique à nos militants pour en faire des porte-parole efficaces et convaincants.

L’élection d’un gouvernement très minoritaire implique de nouvelles élections à brèves échéances où les mêmes thèmes reviendront à l’ordre du jour. On sera encore bombardé par l’argument du vote stratégique, par l’appel à voter majoritaire, à bloquer le retour au pouvoir de la droite. Il faudra de nouveau combattre la panoplie des fausses raisons de ne pas faire l’indépendance.

Comme le gouvernement est minoritaire et comme il voudra se maintenir à tout prix au pouvoir, il s’enfoncera dans une logique de compromis qui décevra les militants indépendantistes du PQ.

Les recherches que j’ai effectuées avec Dominique Labbé en lexicométrie politique ont montré que depuis 40 ans, hormis sous la gouverne de Jacques Parizeau, tous les chefs péquistes ont manipulé le hochet de la « souveraineté » pour prendre le pouvoir avec la ferme intention de ne rien faire une fois élu. Même René Lévesque comme premier ministre n’a pas fait la promotion de la souveraineté du Québec. La place de la souveraineté dans le discours de Lévesque de 1976 à 1985 est minime puisque sur les 15 423 phrases du corpus de Lévesque seulement 133 ont traité de la souveraineté. La dépolitisation et l’ignorance politique sont des conséquences naturelles de cette politique de renoncement. L’élection de Pauline Marois ne dérogera pas à la règle.

Avec le temps et les déconvenues, les indépendantistes seront obligés de reconnaître que la stratégie des demandes minimales n’a aucun avenir. Gouvernance souverainiste, rapatriement de pouvoirs et autres billevesées ne sont que de la poudre aux yeux. Devant leur échec annoncé, ils devront se résoudre soit à se taire, soit à se tourner vers nous. Nous devrons continuer notre travail de conscientisation et dénoncer tous les dérapages provincialistes du Parti québécois. Option nationale a un bel avenir. La seule stratégie possible est d’avoir le courage de ses convictions.

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