Le FRAP et la crise d’octobre

Je voudrais aborder un angle mort de la crise d’Octobre, à savoir le contexte de l’élection municipale du 25 octobre et le rôle du maire et candidat à sa réélection, Jean Drapeau, de même que le congédiement de Michel Bourdon et Denis Vincent, journalistes à Radio-Canada.

La loi québécoise, décrétant le suffrage universel au niveau municipal, de même que la reconnaissance officielle des partis politiques municipaux, avait été adoptée en 1968. Les locataires, qui formaient alors la très grande majorité de la population montréalaise, avaient donc pour la première fois, le droit de voter en 1970.

À l’occasion de cette élection municipale, la controverse était aussi alimentée par l’interdiction, un an auparavant, de toute manifestation à Montréal. J’avais participé à la manifestation composée uniquement de femmes pour protester contre cette interdiction, ce qui m’avait valu de passer une nuit en prison.

La principale opposition au maire Drapeau, le Front d’action politique (FRAP), était constituée d’une coalition de comité de citoyen, de militants syndicaux et d’étudiants. La campagne électorale se déroulait en pleine répression politique. Le maire Drapeau associait le FRAP au FLQ dans des déclarations incendiaires, il déclara même, à deux jours de l’élection « si le FRAP est élu, le sang coulera dans les rues de Montréal ». Pas en reste, à quatre jours du vote, le ministre fédéral Jean Marchand affirmait que le FRAP servait de couverture au FLQ.

L’application des mesures de guerre déclencha une vague de perquisitions chez les membres et militants du parti de même que des saisies de matériel de campagne, tracts, journaux. Deux candidats vedettes furent emprisonnés sans motif, le Dr Henri Bellemarre dans le district de Saint-Jacques et Jean Roy dans Saint-Louis. Dans ce contexte, comment se surprendre que le maire Drapeau obtînt 92 % du vote et fît élire la totalité de ses 52 conseillers municipaux ?

Congédiement de deux journalistes de Radio-Canada

Un fait presque tombé dans l’oubli, est le congédiement pour « insubordination » de Michel Bourdon et Denis Vincent, à tour de rôle président et secrétaire du syndicat des journalistes de Radio-Canada. À l’occasion d’un imposant teach-in qui avait lieu au Centre sportif de l’Université de Montréal, Michel Bourdon avait dénoncé la présence de Jean Drapeau qui, en pleine campagne électorale municipale, avait accès aux images du Téléjournal avant leur diffusion.

Le lendemain, en conférence de presse, Denis Vincent reprenait à son compte les propos de Michel Bourdon et dénonçait la présence de Jean Drapeau et la censure imposée à Radio-Canada.

Ils furent tous les deux congédiés, malgré les efforts de leur avocat, Me Robert Burns, et de leur assesseur au dossier, Pierre Vadeboncoeur, le juge maintint leur congédiement.