Les éphémérides d’une campagne pas si tranquille

Si Albert Camus a pu écrire que la vie ne vaut rien, mais que rien ne vaut la vie, on pourrait affirmer dans la foulée que les élections, ça ne vaut peut-être rien, mais que parfois, rien ne vaut une élection pour provoquer dans une société le retour de débats jusque-là étouffés, occultés ou encore balayés à dessein sous le tapis.

Ce fut le cas durant ce mois d’août de type caniculaire que vient de traverser la société québécoise. On y a débattu de questions fondamentales pour notre avenir comme jamais depuis le dernier référendum. Et dès le déclenchement de la campagne électorale, on a pu assister à une qualité de prises de parole et à une éclosion d’opinions auxquelles ce mois d’ordinaire si tranquille ne nous avait pas accoutumés.

La mobilisation étudiante du printemps a largement favorisé ce réveil démocratique et, ne serait-ce que pour cette contribution, les étudiants ont largement mérité de la patrie. Et contrairement à ce qu’en peuvent penser Lucien Bouchard et Jean Charest, la rue fait intrinsèquement partie du débat démocratique et du processus de prise de décision dans les sociétés régies par les règles de droit. Si les deux en effet affirment haut et fort « qu’il ne faut jamais céder à la rue », il est sans doute utile de rappeler qu’ils ne se sont jamais privés, eux, d’obtempérer aux demandes des riches et des puissants qu’ils ne manquent pas de fréquenter dans les conseils d’administration et autres lieux où loge le vrai pouvoir. Pour ces deux ex-compères conservateurs, un million de personnes dans la rue ont moins de poids, assurément, qu’un coup de fil pressant du maître de Sagard !

Au terme de cet exercice de 35 jours, force est de constater que l’élection n’a pas réglé tous les problèmes. Même qu’en raison des résultats, de nouveaux problèmes se sont ajoutés. Mais il en est certains qui trouveront leur solution sous peu ; et ce n’est pas rien. La hausse des droits de scolarité sera annulée et un large débat sur la place de l’enseignement sera lancé. La loi 12 sera abolie. La hausse prévue des tarifs d’électricité sera revue. La taxe santé de 200 $ par contribuable, sans égard aux revenus, sera elle aussi abolie. On n’assistera pas à la réfection de la centrale nucléaire de Gentilly et, enfin, le nouveau gouvernement n’appuiera pas le développement de l’industrie de l’amiante. Sans compter que ni le Parti libéral, ni la CAQ n’auraient pu – ou même voulu ! – faire bouger quelque peu les choses dans le vaste dossier de la question nationale comme pourra le faire le Parti québécois, même minoritaire. On peut cependant se demander jusqu’où pourra se rendre le gouvernement dans les chantiers du réaménagement de la loi 101, de la laïcité et de l’identité québécoise. Une chose est sûre en revanche : il ne pourra pas nous faire reculer plus loin qu’un gouvernement libéral ou caquiste ne l’auraient fait…

Un retour en arrière

Dès le premier jour, j’ai commencé à mettre de côté des coupures de presse qui m’apparaissaient intéressantes, du point de vue de la nouveauté des idées pour les unes, ou encore, pour d’autres, fort révélatrices de la mauvaise foi et du cynisme qui en animent certains. Je viens de relire cette centaine d’articles. Un portrait fort saisissant s’en dégage. Nonobstant ce qu’en disent certains esprits chagrins, il se passe ici des choses qui témoignent d’une vitalité démocratique qui devrait faire l’envie de plusieurs.

Parmi les grandes questions qui ont agité ces 35 journées fort bien remplies se trouve le débat, parfois féroce, entourant le vote dit stratégique, où se sont affrontés des arguments relevant pour certains du cœur et pour d’autres de la raison.

Le vote dit stratégique

Dans ce débat, deux textes se sont démarqués, signés dans Le Devoir par le cinéaste Bernard Émond. Dans une « Lettre à quelques-uns de mes jeunes (et moins jeunes) amis » intitulée « Il n’y aura pas de deuxième tour aux élections québécoises », Émond rappelle un certain nombre de faits et pose la question directe : Le Québec, après neuf années de régime Charest, peut-il se permettre d’en passer encore cinq autres ? Voilà la vraie question.

Évoquant, le 4 août, ce qui est finalement advenu, soit un gouvernement minoritaire du Parti québécois, il écrit :

Je rappelle à ceux qui l’ont oublié qu’aux élections de 2008, si les votes exprimés en faveur de Québec solidaire ou du Parti vert s’étaient reportés sur le Parti québécois, nous aurions élu de justesse un gouvernement minoritaire du PQ.

Il ajoute :

Je ne crois pas que nous aurions fait beaucoup de progrès vers l’indépendance (ni vers le socialisme), mais nous aurions stoppé la décomposition progressive de l’État québécois au profit exclusif des puissances d’argent.

À ces jeunes amis qui lui disent que voter pour le PQ, c’est changer quatre trente sous pour une piastre, il répond :

Non ! Regardons derrière et jugeons sur les neuf dernières années […] et que le PQ n’aurait pas fait. Et devant nous […], pensons à ce que les libéraux veulent faire et que le PQ ne fera pas, en santé, en éducation, dans la gestion de nos ressources naturelles. Il y a un monde entre les deux. Non, le PQ n’est pas à proprement parler un parti de gauche. Mais enfin, il y a au PQ des principes et un sens du bien commun, très visibles dans le programme du parti, qui n’existent pas chez les libéraux, tout entiers voués à la défense de ce que François Mauriac appelait autrefois les intérêts.

Cette prise de position devait amener une réplique d’un lecteur qui, si l’on n’en partage ni les prémisses ni les conclusions, place cependant le débat à un niveau élevé. L’auteur, C.J. Simard termine son texte le 9 août en s’adressant directement à Bernard Émond :

Vous avez terminé votre lettre en parlant d’un affaissement général de la moralité publique, et de la responsabilité de chacun. Pourtant, ce que vous proposez, il me semble, c’est précisément de participer à cet affaissement général de la moralité publique. De ne pas voter selon ses valeurs, de ne pas appuyer les gens en qui l’on croit. D’ignorer la responsabilité que l’on a envers ses valeurs, envers ceux qui disent ce que l’on croit vrai et qui font ce que l’on croit bien.

Le cinéaste est revenu à la charge quelques jours plus tard, pour rappeler qu’à son avis, un homme de gauche devrait savoir que « le vote n’est qu’un moment de la vie politique, qu’on ne peut en attendre que ce qu’il peut donner, et qu’il n’est pas un mode d’expression personnelle ». Mais Bernard Émond touche la cible, à mon avis, quand il soutient qu’il est

[…] paradoxal que des gens qui disent défendre le bien commun mettent au-dessus de tout l’expression individuelle de leurs préférences. Le vote n’est pas un mode d’expression personnelle, c’est un geste politique qui ne peut avoir que des résultats limités. Limités, mais non sans conséquence.

Il termine en souhaitant que « nous nous retrouverons sans doute du même côté dans des manifestations. J’ose espérer que vous m’y accueillerez non en adversaire, mais en allié. »

Dans la chronique qu’il tient dans le Journal de Montréal, Mathieu Bock-Côté, le 18 août, apporte des arguments cinglants à l’endroit des pourfendeurs du vote stratégique. L’individualisme contemporain se vivant comme une recherche d’authenticité, le sociologue déplorait que « l’individu se voit de moins en moins dans un collectif qui l’oblige à faire des compromis. […] Il ne consent plus au grand écart inévitable entre ses préférences personnelles et les possibilités collectives. »

Il termine son article particulièrement mordant en revenant à la question de fond, le vote stratégique.

C’est l’autre nom d’un rapport adulte à la démocratie. Je le redis : la politique n’est pas une excroissance de la morale. À son meilleur, elle est responsable du salut public, pas du salut de notre âme. Il y a une part inévitable de calcul dans le vote. Surtout que les partis, quoi qu’on en pense, sont des coalitions qui arbitrent des points de vue à l’occasion complémentaires, à l’occasion contradictoires, et pourtant obligés de s’allier parce qu’il faut bien prendre le pouvoir. Voter stratégique, cela ne consiste pas à renoncer à ses convictions, mais à mettre ses convictions à l’épreuve du réel plutôt qu’à les garder intactes dans une bulle. Mieux vaut gagner à 75 % que perdre à 100 %. C’est la vraie logique du pouvoir démocratique. Celui qui préfère l’opposition vertueuse à l’imperfection d’un pouvoir qui permet pourtant de transformer, même incomplètement, ses idéaux en réalité, oublie quelque chose de fondamental : que la démocratie est une manière d’exercer le pouvoir. Et non d’y renoncer. En politique, il ne s’agit pas seulement d’avoir raison, de temps en temps tout seul dans son coin. Il s’agit de gagner.

De ce point de vue, Jean-Martin Aussant, un homme politique au demeurant fort respectable, aurait pu faire l’économie d’un truisme, ridicule comme ils le sont tous, quand il a affirmé, en manchette du Devoir, que « le PQ ne cherche que le pouvoir ! » Depuis quand, en effet, un parti politique en position de prendre le pouvoir ferait-il profession de travailler à le perdre ?

Les flèches d’Andrée Ferretti ne sont pas moins acérées. Déplorant que les trois partis souverainistes soient incapables de faire front commun, elle affirme, dans un texte publié le 29 août dans les pages du Devoir, que

ceux qui sont ici à blâmer […] sont les porte-étendards minoritaires du discours de libération : QS et ON. Je n’hésite pas à dire que dans le contexte actuel de la lutte indépendantiste, ces deux partis en sont les tristes adversaires, situation d’autant plus déplorable que leur ralliement au Parti québécois assurerait la nécessaire radicalisation de celui-ci. Que conclure, écrit-elle, si ce n’est que la seule utopie que peut maintenant se permettre la nation québécoise est l’élection d’un gouvernement péquiste majoritaire ?

Dans La Presse du 30 août, l’abbé Raymond Gravel fait lui aussi un plaidoyer pour un vote stratégique.

Voilà pourquoi, dans le système actuel, comme souverainistes, il nous faut faire un vote stratégique : je peux ne pas aimer Pauline Marois, je peux apprécier au plus haut point Françoise David et je peux davantage me reconnaître dans le nouveau parti de Jean-Martin Aussant, je me dois de voter pour le PQ pour m’assurer que François Legault ne soit pas élu et pour qu’enfin, nous puissions nous débarrasser de la corruption et de la collusion d’un Jean Charest usé à la corde.

Le Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ) appelait de son côté à voter pour le Parti québécois, à l’exception des comtés de Gouin et Nicolet-Bécancour. Il s’en est expliqué dans un long courrier. « Le MNQ appelle ainsi les indépendantistes à un vote stratégique, mais non partisan, qui respecte notre diversité d’indépendantistes en l’état de nos forces actuelles », a soutenu son porte-parole Jocelyn Desjardins.

Michel Seymour, professeur de philosophie à l’Université de Montréal, préfère pour sa part parler d’analyse politique plutôt que de vote stratégique dans un texte d’opinion publié dans Le Devoir du 29 août.

Dans les circonscriptions où le député libéral ou caquiste est pratiquement assuré de remporter la mise, il faut voter avec son cœur et ses idées. Mais dans les comtés où une division du vote risque de permettre à un candidat libéral ou caquiste de se faufiler, il faut impérativement faire porter son vote sur le candidat du parti qui a le plus de chances de battre le PLQ ou la CAQ.

Dans la même page, un séminariste au Grand Séminaire de Montréal, Jonathan Guilbault, plaide plutôt pour un vote fondé sur ses convictions. Il soutient que

[…] la meilleure façon d’honorer ce qu’il y avait de plus noble dans le mouvement de contestation de ce printemps n’est pas tellement de chasser les libéraux ou de remporter la bataille des droits de scolarité, bien que cela puisse avoir son importance ; la meilleure façon de l’honorer, pour l’instant, est tout simplement de voter selon ses convictions. […] ce n’est qu’ainsi qu’on risque de purifier notre manière de faire démocratie.

Dans un appel aux souverainistes « à faire comme moi et à voter pour les candidats du Parti québécois dans chaque circonscription du Québec », l’auteur-compositeur Paul Piché soutient le 31 août que « c’est, de très loin, le meilleur programme souverainiste, le seul qui nous donnera au final une maîtrise totale de nos choix de société ». Claudette Carbonneau, ex-présidente de la CSN, allait dans le même sens dans La Presse, ajoutant un élément récurrent dans la campagne, la réforme du mode de scrutin.

Le véritable enjeu pour la gauche passe par l’avènement du scrutin proportionnel. Rien ne nous en éloigne plus qu’un gouvernement minoritaire perçu comme repoussoir, surtout si les petits partis portent l’odieux d’avoir incité à choisir le mieux au détriment du bien.

Une professeure de littérature, Mélissa Grégoire, demandait dans une lettre au Devoir publiée le 18 août :

Sommes-nous moins résistants et solidaires si nous votons utile, si nous cherchons à bloquer l’élection d’un gouvernement qui causera encore plus de dommages au Québec ? Il me semble que « voter pour la résistance », à ce moment-ci de notre histoire, alors que la majorité silencieuse ne semble rien voir de ce qui, dans les décisions d’un gouvernement libéral ou caquiste, menace l’environnement, l’éducation, les valeurs sociales-démocrates, la culture québécoise, la langue française, bref que « voter pour la résistance » relève de l’inconscience.

Dans un plaidoyer rappelant Pierre Vadeboncoeur, elle termine sa lettre en avouant que, même si « le PQ parfois nous déçoit, ce serait tout de même un gain, une manière pour nous de gagner du temps, de préparer la véritable résistance, d’espérer vaincre ou de retarder le génocide en douce ».

Même la petite fille de Pierre Foglia, du haut de ses 11 ans, faisait une analyse différente de son grand-père quand elle lui enjoignait de « voter utile », arguant qu’il fallait voter « pour que Charest débarque », alors que le chroniqueur, faisant référence à un texte du cinéaste publié dans la revue Relations, répliquait que « comme vous, M. Émond, je n’ai jamais été plus convaincu de la nécessité de la résistance. C’est pourquoi je vais voter pour la résistance ».

Dans une analyse publiée le lendemain de l’élection dans les pages du Devoir, le journaliste Louis-Gilles Francoeur, analysant les résultats, en arrivait à la conclusion que « l’addition des votes du PQ, de QS et d’ON aurait permis au PQ d’obtenir 21 circonscriptions de plus et de voir le chef d’ON élu dans sa circonscription ». Ce qui aurait donné 75 comtés au parti de Pauline Marois. Une autre projection, plus conservatrice, montre que le PQ aurait récolté quelque 68 circonscriptions. Dans les deux cas de figure, il aurait cependant formé un gouvernement majoritaire.

Y a-t-il une solution à ce cercle vicieux ? Le politologue Danic Parenteau en avance une dans Le Devoir du 7 septembre. Dans un texte intitulé « Sournoise division du vote », il repousse deux stratégies, l’absorption par un parti des deux autres et l’élimination de deux des trois partis souverainistes. Pour Parenteau, la seule voie envisageable est la constitution d’un front uni, où « les trois partis souverainistes s’entendent pour une coalition, un front uni ou un pacte électoral. Cette dernière option est la seule réalisable à court terme ».

C’est « une électrice déchirée » votant dans le comté de Gouin, Natalie Dubois, qui s’exprime le 28 août dans une lettre ouverte à Françoise David. Affirmant adhérer en grande partie aux valeurs de Québec solidaire, et souhaitant qu’Amir Khadir ne soit plus seul à véhiculer le message solidaire à l’Assemblée nationale, elle déplore sa candidature dans ce comté qui, dans la perspective d’un gouvernement minoritaire, pourrait « priver le PQ d’une circonscription qui pourrait faire la différence. Et le Québec d’un représentant d’envergure au gouvernement ». Allant au bout de son raisonnement, elle conclut que « néanmoins, je dois vous dire, avec regret et un vif pincement au cœur, que je ne pourrai pas apposer ma croix à côté de votre nom sur le bulletin de vote. Je dois voter dans l’intérêt de la collectivité ». Ce à quoi la candidate, « en toute humilité », a répliqué en soutenant que « l’intérêt de la collectivité québécoise est que je sois élue. Je pense que les gens ont découvert une femme d’État ». Le Devoir rapportait le 31 août qu’exaspérés par les appels au vote stratégique, Françoise David et Amir Khadir exhortent les Québécois à faire la sourde oreille et à voter selon leurs convictions politiques. « Il y a peut-être une dizaine de comtés où même l’idée du vote tactique a vraiment un impact réel, c’est tout ». Dix comtés ? C’est ce qui a fait la différence avec un gouvernement majoritaire…

La journée de l’élection, Le Devoir publiait un texte de Xavier Morand Bock dans lequel il faisait état d’un « choix douloureux » à faire.

Je ne peux pas prédire l’issue du scrutin, avouait-il. Je sais, toutefois, que si je votais dans un comté où la lutte est brûlante entre le cyan et le magenta, je devrais sans doute poser un geste douloureux. Ce billet n’est pas, vous l’aurez compris, un désaveu envers les tiers partis. Mon cœur est bien ancré, la corde tendue à bâbord, le long du navire. Ce même cœur qui est témoin avec une exaltation nullement camouflée de l’ascension des Amir, Françoise et Jean-Martin de notre théâtre politique. De la résurrection de l’implication citoyenne en politique. Or pour se décrasser d’une décennie de malversations, pour empêcher certains mécanismes de se cimenter et pour déloger le Québec de sa tangente dangereusement néolibérale, j’ai l’impression qu’il faut peut-être prendre des décisions difficiles. Qu’il faut peut-être aller au-delà du cœur.

Un rare texte a plutôt apporté un plaidoyer pour l’abstention. Il était signé, dans Le Devoir du 17 août, par deux jeunes citoyens de Beaupré, Jean-François Cadrin et Alexandre Côté. « La politique, ont-ils soutenu, ne se limite pas qu’aux partis politiques, tout comme la démocratie ne se limite pas qu’aux votes. Pour nous, la politique et la démocratie sont au cœur de nos préoccupations. Tellement, en fait, qu’aux prochaines élections, nous n’irons pas voter. » Fort bien ! Mais on résiste mal à l’envie d’ajouter : Et encore !

Chez les fédéralistes et dans le ROC

Devant l’ampleur des enjeux, il ne fallait pas s’attendre à ce que les fédéralistes, d’ici et du ROC, demeurent silencieux. Ils ne nous ont pas privés de leurs admonestations, surtout quand est apparue la perspective de voir le Parti québécois former un gouvernement majoritaire.

Rien ne nous aura été épargné.

La palme revient sans doute à Jack Granatstein, celui qu’Yves Boisvert qualifiait dans La Presse de grand historien militaire et trudeauiste bien connu. Dans le National Post, il a « évoqué le spectre de la guerre civile en cas de sécession du Québec ». Le grand historien a dénoncé les propos considérés comme acrimonieux de Pauline Marois, « qui se lisaient sans doute mieux dans leur allemand original ». Rien de moins.

À mi-chemin de la campagne, la journaliste Manon Cornellier, du Devoir, relevait les excès de langage des médias du ROC. Dans le National Post, on pouvait lire que « si le pays ne pouvait survivre au fait d’exposer les tendances xénophobes et étroites d’esprit du Québec, nous aurions au moins conservé notre fierté ». L’ineffable Tasha Kheiriddin en remettait, affirmant que « la xénophobie se porte bien au Québec ».

L’agence QMI – celle de Pierre Karl Péladeau ! – trouve que Pauline Marois est pire que René Lévesque. « S’il y a toujours eu un élément raciste au projet de Lévesque de diviser le Canada et de préserver la domination francophone, il n’avait pas cette mauvaise odeur qui entoure le sécularisme de Marois », soutenait QMI.

Le Toronto Star écrit de son côté « qu’encore une fois, le parti se positionne comme le champion de l’identité québécoise en opposant la majorité aux minorités. C’est un aspect malsain et générateur de divisions du nauséabond débat identitaire québécois et de sa peur exagérée. Et Marois est maître en la matière ».

Le 1er septembre, La Presse publiait un article sous le titre « Le PQ inquiète le Canada anglais » . Pressentant que les libéraux pourraient sans doute perdre des appuis dans la population, tant le Globe & Mail que le National Post jetaient leur dévolu sur la CAQ, l’adage anabody but… continuant de s’appliquer. Et Le Devoir de titrer, le 6 septembre, « La minorité du PQ soulage Ottawa ».

Dans un exercice digne d’un équilibriste de grand talent, André Pratte, à quelques jours du scrutin, en arrivait à soutenir à la fois la réélection du parti libéral et l’élection de la Coalition pour l’avenir du Québec. Signe des temps sans doute : tant qu’un nouveau chef n’aura pas pris la relève de Jean Charest, l’Empire Power joue ses cartes sur deux tableaux à la fois, histoire de ne pas perdre la main, qu’on retrouve au bout d’un bras pas mal long…

Et c’est dans La Presse du 8 septembre que les salves les plus attendues ont été tirées. Dans un éditorial, André Pratte mettait en garde Stephen Harper : il doit dire NON au gouvernement du Parti québécois. « Ottawa, soutient-il, ne doit pas faire le jeu des stratèges péquistes en acceptant de négocier l’abandon de ses compétences au Québec. » Mais c’est « le père de la loi sur la clarté », Stéphane Dion lui-même, qui s’est insurgé contre la volonté exprimée par Pauline Marois d’exiger le transfert de pouvoirs fédéraux au Québec. Développant son argumentation à la manière qui lui est propre, l’ancien ministre de Jean Chrétien, en cinq points, a rappelé les bienfaits du fédéralisme et les sombres jours qui seraient le lot du Québec si le gouvernement fédéral devait baisser la garde. Nihil novi sub sole, vraiment.

Le sens du vote

Le philosophe Christian Nadeau, de l’Université de Montréal, sous le titre « Surmonter le 4 septembre », posait le 1er septembre un certain nombre de questions des plus pertinentes sur le sens du vote. Au nom de quoi votons-nous ? se demande-t-il. « Je ne condamne pas ici le processus électoral en lui-même, mais ce que nous en retenons : un pugilat d’ambitieux et un concours de promesses douteuses. Voter est un geste nécessaire et tout particulièrement maintenant, si infime soit l’influence du vote de chaque personne », estime le philosophe, qui affirme toutefois que « la grève, les manifestations, tout comme les élections, ne sont que des outils de la délibération démocratique », ce en quoi il a absolument raison. Car après le 4 septembre, il y a le 5 septembre, le 6 septembre, le 7…

Il s’en est trouvé qui ont pris un malin plaisir à asséner cette fumisterie, à savoir que PQ et libéraux, ce serait bonnet blanc, blanc bonnet. Ce qui ne signifie pas que le PQ soit au-dessus de tout soupçon, loin de là. Mais quand on analyse l’état des lieux sur la base de la balance des inconvénients, un seul choix s’imposait. Il fallait savoir penser à préserver l’avenir collectif plutôt que de satisfaire une conviction personnelle, dont le prix serait un retour du parti du cynisme et de la corruption. Voter ne peut être réduit à l’exercice d’un plaisir solitaire. L’heure n’était plus aux distinguos, à la casuistique impuissante, à l’aveuglement volontaire et aux enculages de mouches…

Ceux qui ont refusé de prendre en compte la réalité telle qu’elle se présentait ont joué du piccolo alors que l’avenir du Québec était en cause, à l’exemple de Néron qui jouait de la lyre en contemplant Rome qui brûlait.

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