Les historiens de la génération X face à Maurice Séguin

Dans le cadre de cette communication, je traiterai des historiens nationalistes de ma génération, c’est-à-dire la génération X, par rapport à l’œuvre de Maurice Séguin. Dans un premier temps, je dois dire que j’aurais bien aimé que les historiens de ma génération s’intéressent davantage à Maurice Séguin et à son œuvre. À mon grand désarroi, je suis encore, à ce jour, la seule à avoir fait un mémoire de maîtrise en histoire sur Maurice Séguin toutes générations confondues. Il y a, bien entendu, le sociologue Jean Lamarre qui a fait une excellente thèse de doctorat sur l’école de Montréal dont le tiers était consacré à Maurice Séguin. Toutefois, en histoire, il n’y a eu aucune thèse de doctorat consacré à son œuvre.

Dans le cadre de cette communication, je traiterai des historiens nationalistes de ma génération, c’est-à-dire la génération X, par rapport à l’œuvre de Maurice Séguin. Dans un premier temps, je dois dire que j’aurais bien aimé que les historiens de ma génération s’intéressent davantage à Maurice Séguin et à son œuvre. À mon grand désarroi, je suis encore, à ce jour, la seule à avoir fait un mémoire de maîtrise en histoire sur Maurice Séguin toutes générations confondues. Il y a, bien entendu, le sociologue Jean Lamarre qui a fait une excellente thèse de doctorat sur l’école de Montréal dont le tiers était consacré à Maurice Séguin. Toutefois, en histoire, il n’y a eu aucune thèse de doctorat consacré à son œuvre.

Personnellement, j’ai eu la chance de découvrir la magnifique œuvre de Maurice Séguin grâce au cours que l’historien Robert Comeau donnait à l’UQAM sur l’histoire du nationalisme québécois en 1994. Je dois dire que dès les premiers cours où il nous a enseigné les Normes de Maurice Séguin et son interprétation de l’histoire des deux Canadas, j’ai été littéralement séduite par cette synthèse historique d’une lucidité hors du commun. Une fois la session terminée, je suis allée me procurer à la librairie le livre hommage que Robert Comeau avait publié en 1987 dans lequel nous retrouvions les Normes de Maurice Séguin. À ce moment-là, je savais que, si un jour je faisais un mémoire de maîtrise, ça serait sur Maurice Séguin, ce qui se réalisa en 2002.Pour ce qui est des autres historiens nationalistes de ma génération qui ont commenté et écrit sur l’œuvre de Maurice Séguin dans leur ouvrage respectif, j’ai décidé d’en retenir trois pour les fins de cette communication.

L’historien Éric Bédard

Tout d’abord, il y a l’historien Éric Bédard, né à Montréal en 1969 et professeur à la TELUQ de l’UQAM, qui est un des historiens de la génération X les plus présents dans les médias. Éric Bédard est un historien nationaliste conservateur qui a fait une thèse de doctorat sur les Réformistes du milieu du XIXe siècle et qui est très critique de l’œuvre de Séguin. Toutefois, il serait faux de dire qu’il ne connaît pas bien les Normes. On peut constater qu’il les a lues attentivement, notamment dans Recours aux sources, où il écrit :

Séguin est l’un des premiers penseurs à donner un contenu positif à l’affirmation québécoise. Comme d’autres intellectuels de sa génération, il tourne le dos à l’optique de la survivance défendue par Groulx. Défendre et promouvoir le Québec, ce n’est plus seulement protéger une culture ou des traditions, ce n’est plus seulement survivre, c’est souhaiter agir par soi, c’est-à-dire être collectivement libre de ses décisions. Pour Séguin, cette volonté d’agir par soi, présente chez les nations autant que chez les individus, est un bien en soi ; elle correspond à un instinct profond. Agir par soi étant l’aspiration légitime et normale de tous les peuples, en être privé est une oppression essentielle, même dans un régime fédéral où les souverainetés sont censées être partagées1.

Toutefois, pour Séguin, si l’agir par soi collectif est nécessaire à toute nation pour être normale, elle est pratiquement impossible à acquérir pour une petite nation annexée comme le Québec. Notamment, à cause des forces politique, économique et sociale présentes dans toute société et qui déterminent en grande partie le devenir des nations. Au Canada, les forces structurantes qui influent sur l’histoire seront pratiquement toujours à l’avantage de la nation Canadian aux yeux de Séguin. Il faut le dire, c’est principalement ce pessimisme et ce déterminisme historique très présent chez Séguin que Bédard rejette dans son œuvre. Historien volontariste, un peu à l’image de Groulx, Bédard croit énormément que les grands hommes peuvent changer le cours de l’histoire comme l’aurait fait, selon lui, La Fontaine en contrecarrant dans une certaine mesure les effets de l’Action d’Union sur le peuple canadien-français après 1840.

On sait que Séguin fut très critique à l’endroit de La Fontaine et ses collègues. Pour lui, ces hommes avaient adopté une illusion progressiste au lendemain de 1840 en croyant naïvement être les égaux politiques des Canadiens anglais. Sur le plan politique, grâce à l’idéologie fédéraliste, les chefs canadiens-français, politiciens comme La Fontaine ou journalistes comme Étienne Parent, en arrivent rapidement à croire que l’Union n’a fait que juxtaposer deux colonies qui, par la conquête en commun du gouvernement responsable, demeurent libres de s’administrer chacune sur son propre territoire.

Certes, Éric Bédard est conscient que les Canadiens français sont mis en minorité en 1840 et que l’Union va avantager politiquement les Canadiens anglais à la Chambre d’assemblée du Canada-Uni. Toutefois, il croit que La Fontaine et ses collègues ont eu raison de collaborer avec les politiciens du Canada Ouest (l’Ontario) pour tenter d’amoindrir les effets de l’Union de 1840 et que grâce à leur ténacité et à leur bonne volonté, ils ont pu faire des gains pour les Canadiens français, notamment au niveau de la reconnaissance du français à la Chambre du Canada-Uni. Par conséquent, dans son livre sur les Réformistes, Bédard endosse l’illusion progressiste des politiciens canadiens-français optimistes lorsqu’il affirme que : « les Réformistes canadiens vont jouer un rôle important » en convaincant « leurs compatriotes d’accepter l’Union des deux Canadas », tout en obtenant, « avec le concours des réformistes du Haut-Canada, le gouvernement responsable, dans lequel ils joueront un rôle clé… Les réformes qu’ils feront adopter seront nombreuses et déterminantes sur le plan économique et social, qu’on pense à l’abolition du régime seigneurial à la création des premières écoles normales, à la réforme de la justice et du droit civil2 ». Bédard soutient également que : « Reconnue sur le plan politique grâce à l’obtention du gouvernement responsable, la nationalité devait désormais passer à l’économique, relever le défi de la prospérité. Le développement, sinon la survie de la nationalité ne passait plus par la politique querelleuse, mais par l’enrichissement économique3 ». Cela ressemble beaucoup à certains écrits de Lionel Groulx.

À l’instar des politiciens canadiens-français optimistes de l’époque, Bédard refuse de voir que le gouvernement responsable a été octroyé en ١٨٤٨ au profit de la nation canadienne-anglaise qui avait la majorité à la Chambre du Canada-Uni. Il ne semble pas conscient que les députés canadiens-français minoritaires en Chambre devaient obligatoirement avoir l’assentiment des députés canadiens-anglais pour pouvoir voter des lois au bénéfice des Canadiens français. Ces derniers n’étaient plus libres de s’administrer politiquement au sein de leur territoire et ce tant au plan interne, qu’externe. Et contrairement à Bédard, Maurice Séguin a eu la lucidité de bien comprendre cette dure réalité des choses.

Autre point de divergence entre Séguin et Éric Bédard, c’est au niveau de la survivance. Pendant que Séguin la dévalorise en parlant de survivance médiocre, Bédard affirme, positivement, que la survivance témoigne d’un entêtement et d’une volonté de durer de la part des Canadiens français. À ses yeux, l’élite canadienne-française après 1840 a su rebondir afin de préserver les acquis culturels et obtenir le gouvernement responsable. Pour réussir cet exploit, selon Bédard, la nation canadienne-française se devait d’avoir une unité de pensée et d’action dans le but de former un bloc compact. Cette unité fut possible grâce au leadership de La Fontaine comme chef de la nation.

Un autre reproche que Bédard fait à Séguin, c’est de ne pas avoir accordé dans sa synthèse historique des deux Canadas une place de choix aux événements et aux grands personnages qui ont eu une influence marquante sur le cours de l’histoire. Pour Bédard, l’histoire telle que conçue par Séguin est « une mécanique froide mue par des rapports de domination… les hommes subissent l’histoire au lieu de la faire ; face aux grandes lois de la sociologie du national, ils ne font tout simplement pas le poids4 ». Certes, cette vision déterministe de l’histoire chez Séguin, Bédard ne peut tout simplement pas l’endosser puisqu’il croit sincèrement que les évènements et les grands personnages influents considérablement sur le devenir d’une nation, d’une société.

Enfin, au cours des dernières années, Bédard a beaucoup critiqué le fait que Séguin n’a pas beaucoup publié de son vivant. S’il est vrai que la plupart de ses écrits manuscrits ont été publiés par ces disciples après sa mort, il serait par contre malencontreux de dire que la richesse d’une œuvre d’un historien ou de tout autre intellectuel se mesure uniquement au nombre de livres publiés. Bref, même si l’œuvre écrite de Séguin ne remplit pas une bibliothèque, elle demeure encore, à ce jour, d’une très grande richesse au plan historique et sociologique pour comprendre le devenir de la nation québécoise qui, ne l’oublions pas, est toujours dépendante et annexée au Canada comme l’avait prédit Séguin.

L’historien Charles-Philippe Courtois

En qui a trait à l’historien Charles-Philippe Courtois, né en 1972 et professeur d’histoire au Collège militaire de Saint-Jean, il a lui aussi beaucoup de difficulté avec le pessimisme de Séguin. Dans sa biographie sur Lionel Groulx, parue l’année dernière, Courtois déplore que le pessimisme de Séguin ait contribué à la rupture avec Groulx. Il est évident que Groulx, l’optimiste, ne pouvait endosser l’interprétation historique implacable de Séguin au sujet de l’Union de 1840 qui réduisait le sort de la nation canadienne-française annexée à une survivance médiocre, mais indestructible. Comme le note Courtois, pareil pessimisme devient du défaitisme aux yeux de Groulx. On sent chez Courtois qu’il aurait bien aimé que maître et disciple se mettent d’accord sur bien des questions politiques, comme la stratégie de miser sur l’État provincial. S’il croit que certains consensus auraient été possibles entre Groulx, Brunet et Frégault, notamment sur l’autonomie provinciale, ils sont devenus impossible lorsque Séguin, en 1951-52, a réussi à convertir ses collègues à son pessimisme intégral dans le cadre d’un séminaire qu’il donnait avec eux.

D’ailleurs, dans sa biographie, Courtois relate les moments où Groulx à tenter d’éloigner Brunet et Frégault des théories pessimistes de Séguin, mais sans succès. Tout au long de la lecture, on constate que Courtois partage la critique de Groulx envers la vision pessimiste de l’histoire chez Séguin. Dans un passage très révélateur de sa pensée, Courtois écrit que « si La Fontaine n’est qu’un nabot aux yeux de l’école de Montréal, c’est aussi parce que la survivance de la culture canadienne-française, source de fierté pour Groulx, est presque une tare pour certains parmi la jeune génération étant donné l’état de médiocrité et de subordination des Canadiens français. À cet égard, l’école de Montréal partage un certain dégoût avec les cité-libristes5 » de la condition québécoise. Je dois dire que quand j’ai lu ce passage de Courtois, j’ai été un peu stupéfaite, car je ne crois pas que l’interprétation que fait Séguin de l’Union se résume, chez lui, à un dégoût de ce qu’est devenue la nation canadienne-française après 1840. Par ailleurs, Courtois insiste beaucoup dans sa biographie pour dire que Groulx ne pouvait accepter le mépris de l’école de Montréal pour la culture et l’histoire canadienne-française. Encore là, analyser lucidement le devenir d’une nation, comme l’a fait Séguin, ne signifie pas pour autant qu’on la méprise.

Courtois, à l’instar de Bédard, reproche également à Séguin et à ses collègues d’avoir été particulièrement dur envers les actions de Louis-Hyppolite La Fontaine. Selon lui, Séguin et ses collègues en dénonçant l’imposture de La Fontaine « nie toute valeur à son action. Elle n’y voit que la fondation d’une illusion, celle d’un partenariat possible au Canada, alors que seule la subordination l’est6 ». Tout comme Bédard, Courtois croit que devant l’impossible indépendance après 1840, la vision collaboratrice de La Fontaine avec le Canada anglais était préférable à celle de Papineau qui préférait l’annexion aux États-Unis. Il tient aussi à souligner l’importance du rôle de La Fontaine dans la lutte pour la reconnaissance du français à la Chambre d’assemblée du Canada-Uni.

Toutefois, contrairement à Éric Bédard, Charles-Philippe Courtois est bien conscient que le gouvernement responsable en 1848 ne profite pas à la minorité de politiciens canadiens-français. Ainsi, dans son anthologie de la Conquête publié en 2009, il note « qu’il n’était pas question d’accorder le gouvernement responsable à une assemblée canadienne ; l’Union permettait d’assurer qu’une majorité de députés canadiens-anglais représentent les Britanniques du Canada7 ». À ce sujet, il écrit : « L’Acte d’Union avait privé les Canadiens d’un cadre politique propre et les annexait à une colonie anglophone, formant le Canda-Uni, où leur organisation distincte reposait sur des entités socio-culturelles8 ». Tout comme Séguin, il admet que les attributs de la souveraineté (défense, diplomatie, monnaie), c’est-à-dire l’autonomie externe, ont toujours échappé à la nation canadienne-française et québécoise. Par conséquent, les Québécois n’ont jamais pu être maître des pouvoirs externes qui les régissent à tous les jours.

Par contre, lorsque nous arrivons à la fédération de 1867, Courtois, dans une étude portant sur le programme d’histoire de 3e secondaire de 2006, critique le fait que le contenu de programme parle de la Fédération canadienne et non de la Confédération et qu’il occulte l’importance de la restauration négociée d’une autonomie québécoise en 1867. Comme si Courtois croyait qu’il y avait eu un pacte négocié entre la nation canadienne-anglaise et la nation canadienne-française en 1867. On sait à quel point Maurice Séguin a battu en brèche ce mythe du pacte entre deux peuples fondateurs dans sa synthèse historique et ce bien avant le rapatriement de la constitution de 1982.

Également dans son anthologie de la Conquête, Courtois soutient que le peuple québécois n’est plus un peuple conquis puisqu’il a pris possession du pouvoir provincial qui était à leur disposition depuis 1867. Contrairement à Séguin qui disait que « les Canadiens français subsistent comme peuple chambreur dans une des pièces les plus importantes de la maison construite et possédée par une autre nation », Courtois ne voit pas que 1867 consolide 1840 puisque la mise en minorité est encore plus grande pour la nation canadienne-française. De deux provinces en 1840, ils passent à quatre dans la Fédération canadienne ; et où trois provinces sur quatre détiennent une majorité anglaise où la langue française n’est pas reconnue officiellement.

Par ailleurs, même si les Canadiens français retrouvent en 1867 un Parlement distinct du reste du Canada, l’autonomie externe leur échappe toujours. Cependant, je dirais que ce pouvoir provincial, octroyé en 1867 dans les domaines de l’autonomie interne, qui préoccupent à tous les jours les Québécois rend difficile, pour eux, de voir l’oppression nationale qu’il subisse du fédéral à tout moment. Bref, les champs de compétences du fédéral ne sont pas les principales préoccupations des Québécois, à part l’assurance chômage, l’immigration et l’environnement ces dernières années. Cela dit, même nos historiens nationalistes comme Bédard et Courtois ont beaucoup de difficulté à admettre que la Constitution de 1867 incarne une union fédérale centralisée où les pouvoirs de dépenser et résiduaire se retrouvent dans les mains du fédéral. En 1867, il n’est pas question de pacte ou d’entente négociée entre deux nations de bon foi comme semble le croire Courtois dans son étude sur le programme d’histoire, mais une simple loi constitutionnelle votée par le Parlement de Londres.

L’historien Julien Goyette

Maintenant, passons à notre troisième historien qui s’est penché brièvement sur l’œuvre de Maurice Séguin dans certains écrits. Il s’agit de l’historien Julien Goyette, né en 1973 et professeur d’histoire à l’Université du Québec à Rimouski. Au sujet de Maurice Séguin, il participait en 2005 à un colloque sur son œuvre que j’avais organisé avec l’historien Robert Comeau pour le compte de la Chaire Hector-Fabre de l’UQAM. Dans son texte du colloque, Goyette saisit très bien le pessimisme de Séguin. Selon lui, le pessimisme de Séguin « ne doit pas être envisagée comme la négation de l’agir humain ou une quelconque invitation au fatalisme ». Mais « bien plus à une mise en garde contre le danger de se laisser bercer d’illusion9 ». Comme il le note, la posture intellectuelle chez Séguin « implique d’accepter d’abord les différentes déterminations qui pèsent sur soi et d’inscrire ensuite son agir dans les limites fixées par ces déterminations. Ainsi entendu, le pessimisme devient un principe d’action, mais dans un champ du possible extrêmement limité et contraignant10 ». Donc, on peut dire que Goyette a très bien compris que le pessimisme de Séguin ne veut pas dire, pour autant, qu’il méprise le devenir de sa nation comme semble le prétendre Courtois.

Julien Goyette dit plutôt que « l’œuvre de Séguin invite à une forme de dépassement11 » à travers l’idée d’indépendance, car chez Séguin il y a toujours l’espoir que, peut-être, une occasion se présentera où les Québécois auront, pour un moment, le rapport de force nécessaire pour faire leur indépendance. Il a d’ailleurs écrit dans ses Normes : « Attendre l’occasion… si jamais ». D’ici là, Séguin nous disait de continuer à dénoncer le mythe qui consiste à croire que les Québécois pourraient être les maîtres de leur destinée en demeurant à l’intérieur du Canada. Mais c’est là un travail de longue haleine, qui comme on peut le constater n’est pas aisé à faire, y compris chez nos historiens nationalistes.

Mais si nous revenons à Julien Goyette, je dirais que le seul reproche qu’il fait à Séguin c’est d’avoir trop insisté sur les structures ce qui a eu « pour effet de déposséder les citoyens de leur histoire et de décourager à l’avance tout forme de participation12 ». Bref, pour Goyette, le néonationalisme « pour avoir voulu être une doctrine neuve, un commencement absolu, pour s’être affranchi du passé, doit payer le prix du déracinement… À la recherche de la liberté et l’authenticité, le néonationalisme a condamné la seule route qui y menait : le passé13 ».

En conclusion

Je crois qu’on peut dire que nos trois historiens nationalistes de la génération X s’entendent pour dire que l’œuvre de Séguin rompt de façon évidente avec l’histoire traditionnaliste défendue par Groulx et ses prédécesseurs. Enfin, je dirais que le principal reproche qu’ils font à l’œuvre de Séguin, outre son pessimisme, s’est d’avoir mis la hache dans le passé mémoriel des Québécois où une grande place était réservée aux prouesses des grands personnages canadiens-français qui avaient su déjouer habilement, grâce à leur volonté, les visées assimilatrices des Canadiens anglais vis-à-vis la nation québécoise à l’intérieur du Canada. Certes, il n’est pas surprenant que l’œuvre de Séguin, avec son implacable lucidité sur le devenir de la nation québécoise, n’a pu séduire nos trois historiens nationalistes davantage en phase avec l’œuvre volontariste et optimiste de Groulx où le rêve d’un réveil national pour sa petite nation était tout à fait possible, et ce à l’intérieur même du Canada.


1 Éric Bédard, Recours aux sources, Essais sur notre rapport au passé, Montréal, Boréal, 2011, p. 72.

2 Éric Bédard, Les Réformistes, Une génération canadienne-française au milieu du XIXe siècle, Montréal, Boréal, 2009, p. 318.

3 Ibid., p. 323.

4 Éric Bédard, Recours aux sources, p. 61-62.

5 Charles-Philippe Courtois, Lionel Groulx, Le penseur le plus influent de l’histoire du Québec, Montréal Les Éditions de l’Homme, 2017, p. 529.

6 Ibid; p. 528.

7 Charles-Philippe Courtois, La Conquête, Une anthologie, Montréal, Typo, 2009, p. 48.

8 Ibid; p. 13.

9 Julien Goyette, « Pessimisme et optimisme historiques chez Maurice Séguin et Fernand Dumont » dans Robert Comeau et Josiane Lavallée, dir., L’Historien Maurice Séguin, Théoricien de l’indépendance et penseur de la modernité québécoise, Montréal, Vlb éditeur, 2006, p. 148.

10 Ibid; p. 148.

11 Ibid; p. 149.

12 Ibid; p. 152.

13 Ibid; p. 153.

* Historienne.

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