Ce problème de rupture entre Maurice Séguin et Lionel Groulx me laisse dans l’embarras. Je n’ai pas le sentiment que monsieur Séguin désirait se mettre en « rupture » ni avec l’Abbé Groulx ni avec quelqu’un d’autres. Toutefois, je vois ici deux individus qui cherchent à s’expliquer leur passé pour mieux choisir leur avenir collectif. Sur ce plan, ces deux Canadiens français auraient suivi le même cheminement hérité du passé.
Du passé, que faut-il en faire ?
Cette question m’a entraîné préalablement à une mise en garde d’ordre général concernant le phénomène de la transmission culturelle. À cet égard, Maurice Séguin a posé le problème à partir de la notion de « culture progressive ». Dans Les Normes, il expose son point de vue sur le rôle de « la volonté et l’intelligence » dans l’élaboration et la transmission de la culture. Il s’explique : « Dans l’élaboration et la transmission de la culture, le rôle primordial semble revenir à la vie et un rôle secondaire, à la recherche et à l’enseignement. » (Les Normes, 2.1.2.6-7.8) Puis, il précise et ajoute cette nuance : « Incapables d’arrêter ce mouvement général, la volonté et l’intelligence paraissent ici avoir plus de liberté qu’ailleurs pour intervenir… mais les démarrages et les résultats sérieux exigent du temps » (Les Normes, 2.1.2.6-7.10).
Il est conscient que les pressions de « la VIE passée » s’exercent sur « la VIE présente » qui à son tour peut entraîner « l’INDIVIDU en vue de la VIE qui vient… » (Consulter le graphique dans Les Normes, 2.1.2.6-7.8 a). Séguin présente plusieurs facteurs en interaction qui affectent « l’élaboration et la transmission de la culture ». Il insiste sur « le rôle primordial [qui] semble revenir à la vie » (Ibid.). Il en est de même pour la collectivité.
Chaque collectivité, rappelle Séguin, possède donc « sa culture » plus ou moins avancée, fruit de sa propre expérience, compte tenu des influences étrangères plus ou moins assimilées (Les Normes, 2.1.2.6-7.7).
Sur quoi comparer les deux hommes
Pour comprendre le rapport de Maurice Séguin envers Lionel Groulx, mon premier réflexe fut de comparer ces historiens en tant qu’individus. J’ai donc pu constater que le premier trait fut le suivant : Maurice Séguin est un vrai laïc alors que Lionel Groulx est un fervent clerc. Pourtant, il s’agit de deux personnes qui appartiennent à la même tradition et à la même culture classique. Aussi, deux historiens qui désirent comprendre la réalité de leur propre trajectoire personnelle comme membres d’une collectivité nationale canadienne de civilisation française de leur époque et dans un deuxième Canada – une colonie anglaise après la « défaite fondamentale1 » des Canadiens dans l’empire français. Ce premier passé les a fait naître.
Ces deux historiens savent qu’ils habitent un Canada issu d’une colonie de la France. Ces deux historiens savent qu’ils vivent dans un autre Canada où l’égalité entre les deux peuples après la cession de la colonie canadienne-française à l’Angleterre a entraîné un changement de métropole. Dorénavant, Londres gouverne politiquement l’ex-colonie française. Pour les « Canadiens », les liens sont rompus avec la France.
Les premiers cours d’histoire du Canada de Maurice Séguin
Nous savons que ce jeune professeur d’histoire au collège Sainte-Marie avait déjà constaté la lenteur de la colonisation française en Nouvelle-France et la chute brutale, en 1760, du Canada par la perte de sa mère-patrie et de sa métropole naturelle. Il présente schématiquement l’évolution de cette colonisation française entre 1532 et 1760. Ce graphique illustre la longue période de 225 ans depuis Jacques Cartier sous le titre de « Découverte et abandon » – dont 150 ans divisés en trois phases : (1) 1608 à 1663 : « Naissance laborieuse », (2) 1663 à 1672 : « Essor prodigieux » et (3) 1672-1760 : « Écroulement ». N’est-ce pas un mot très juste pour caractériser la fin du Canada de la Nouvelle-France ? En effet, c’est la fin de la colonisation française2.
Première épreuve : la soutenance de thèse
Déjà, à 26 ans, il démontre son esprit de synthèse. Deux années plus tard, il dépose sa thèse de doctorat.
La distance entre Groulx et Séguin commence en 1946 avec la présentation des résultats de ses recherches au doctorat. C’est, en 1946, la première thèse déposée à l’Institut d’histoire. Elle soulève des problèmes. Par conséquent, des tractations à l’interne entre les membres du jury et la Faculté des lettres retardent son adoption immédiate. Il obtient finalement, en avril 1947, son doctorat en histoire du Canada malgré les divergences de points de vue. Ce serait grâce à l’appui du chanoine Lionel Groulx. Ce dernier le défendra aussi pour qu’il occupe le poste de professeur d’histoire du régime britannique au Canada. Pour sa part, Guy Frégault lui demandera, en 1946, la publication d’un article sur sa thèse pour la revue L’Action nationale.
Au sujet de cette controverse, Maurice Séguin a répété moult fois qu’il devait au chanoine Groulx son poste de professeur au département et qu’il n’avait rien d’autre à dire. Il s’est donc consacré à « L’explication historique : synthèse de l’évolution politique et économique des deux Canadas ». Ce qu’il avait en tête visait à « marquer les répercussions les plus générales de l’histoire politique sur l’évolution économique et culturelle des deux Canadas » sans sous-estimer « les liens entre la Grande Histoire […} politique et la Grande Histoire sociale. » (Les Normes, 0,0 [3e]).
Deuxième épreuve : conférencier à la Chaire de civilisation canadienne-française
L’événement s’est produit en septembre 1953. À l’invitation de Lionel Groulx et d’Esdras Minville, Maurice Séguin accepte d’assumer les conférences publiques de la Chaire de civilisation canadienne-française pour la période du régime britannique de l’histoire du Canada. Les conférences étaient données les lundis soirs dans le grand amphithéâtre du pavillon central de l’Université de Montréal. Groulx et Minville étaient présents ainsi que des personnalités religieuses et d’autres personnes de l’élite canadienne-française. Un public nombreux était aussi présent.
Monsieur Séguin fit une première présentation le 21 septembre 1953, puis une seconde le 28 septembre à raison de deux cours par soir. Pour chacune de ses conférences, il avait remis un résumé de ces cours sous le titre : « Évolution économique, sociale et politique du Canada français (1760 à nos jours) ». Première conférence : « Changement d’empire » ; seconde conférence : « La 15e colonie anglaise ».
Lors de la première soirée, il déclare d’emblée : « Dans le processus de la formation d’une nation par la colonisation, la Métropole joue un rôle dont on ne saurait exagérer l’importance. » Pour finir la seconde soirée, il déclare en conclusion : « En 1763, on avait temporairement oublié qu’il y avait des Canadiens. En 1774, on a voulu ignorer qu’il commençait à y avoir des Canadians. »
Ces cours annonçaient les normes qu’il formulerait définitivement une douzaine d’années plus tard. Déjà, il commençait à mettre en œuvre une connaissance historique contrôlée par des normes explicites qui visaient les fondements de la Grande Histoire des deux Canadas. (J’ai assisté personnellement à ces deux conférences du lundi de Maurice Séguin. Les résumés de ces deux conférences se trouvent sur le site Le Rond-Point des sciences humaines3. Malheureusement, les conférences du professeur Séguin durent être interrompues pour cause de maladie. Guy Frégault fut invité à le remplacer pour offrir des cours sur l’histoire de la littérature canadienne-française.
Monsieur Séguin ne baissa pas les bras. De son expérience de professeur d’histoire depuis 1944, il continua malgré tout à approfondir une façon de penser l’histoire contrôlée par des normes – de préférences explicites si le récit l’exige (Les Normes, 0.4.8.3). Il n’y a pas que les événements qu’il faut décrire, mais comprendre et expliquer les grands phénomènes primordiaux historiques (Les Normes, 0.1.2). C’est pourquoi il va peaufiner minutieusement et méthodiquement les premières ébauches des « normes ». Dans les années 1950, il a surtout travaillé sur le phénomène de la colonisation. Puis, il a achevé les chapitres de ses « normes » en y intégrant un autre chapitre « Le NATIONAL et le SOCIAL » qui manquait pour compléter le chapitre central où il traitait de la « Sociologie du national ». Deux chapitres clés de la Grande Histoire ainsi que du concept de l’indépendance dans l’histoire des deux Canadas.
Troisième épreuve : communication devant la Société historique du Canada à Montréal (1956). Les Normes, 10.0
Voici les deux grands thèmes de son résumé de communication :
I – La notion d’indépendance dans l’histoire du Canada
– Le concept d’indépendance d’une collectivité
II – La courbe historique de l’indépendance des deux Canadas.
Seul un journaliste anonyme de La Presse en a donné un compte rendu détaillé.
Le problème fondamental concerne le fait d’une colonie française annexée à une Amérique anglaise. Deux questions se posent : « Comment faut-il concevoir, pour une collectivité de nationalité française, cette transformation ? » « Quel essor la “société canadienne” de la Nouvelle-France pourrait-elle vivre sous l’occupation britannique ? »
Voici la synthèse des répercussions globales pour la nation québécoise :
Deux nations anglaises, une province française ; ou plus exactement : une province semi-française (Les Normes, 10.2.4.1). Un peuple majeur indépendant et un peuple mineur annexé (Ibid., 10.2.4.2). Le drame des deux impossibles et de l’inévitable survivance (Ibid. 10.2.4.3).
— impossible indépendance.
— impossible disparition.
L’historien Séguin fonde cette conclusion sur l’idée qu’il se fait de la Grande Histoire. Il nous prévient : « Ce genre d’histoire peut avoir l’inconvénient de paraître abstrait, cérébral. » (Les Normes, 0.2.6) Cela dit, il connaissait ses adversaires !
1962 : « Fédéralisme et indépendantisme »
À l’émission Conférence de Radio-Canada au début de 1962, Maurice Séguin expose librement son approche de la Grande Histoire des deux Canadas sous le titre suivant : « Genèse et historique de l’idée séparatiste au Québec ».
Dans l’optique indépendantiste, la situation du Canada, dans l’empire français, se trouve non pas idéalisée, mais revalorisée. C’est la seule époque de son histoire où le séparatisme s’enracine dans la réalité. Pendant plus de 100 ans, les Canadiens d’origine française vivent seuls dans un État séparé.
D’entrée de jeu, il pose le problème clairement : « Fédéralisme et indépendantisme. » Devant le sens à donner à l’histoire du Canada français, les esprits adoptent deux attitudes.
Première attitude
La position la plus répandue depuis 1840 […] se rattache à l’idéologie fédéraliste. […] C’est la thèse des autonomistes qui croient pouvoir se contenter d’une fraction d’indépendance.
Seconde attitude
L’autre attitude, très peu répandue après 1840 […], pousse jusqu’à ses conclusions logiques la notion d’autonomie […] entre le peuple majoritaire et le peuple minoritaire dans n’importe quelle fédération. […] Le peuple minoritaire ne peut mettre à son service qu’une autonomie interne.
Conclusion
« L’indépendance complète est absolument nécessaire4 ».
L’annexion politique, dans une économie moderne et dynamique, entraîne inévitablement la subordination économique. L’infériorité politique et l’infériorité économique se conjuguent en s’aggravant. La culture elle-même, au sens le plus général du terme, intimement liée aux réalités politiques et économiques, est fortement perturbée au point qu’on ne peut même pas parler, pour le peuple minoritaire, de véritable autonomie culturelle. Pour cette école indépendantiste, l’indépendance complète est absolument nécessaire. Elle est à rechercher en elle-même comme un bien et elle est considérée comme un moyen irremplaçable pour assurer une maîtrise suffisante de la vie économique et culturelle.
1963-1964 : Cours universitaire sur le réseau de Radio-Canada
Il s’agit du cours « Précis d’histoire du Canada » en 17 leçons5.
Comme en 1962, il établit dès la leçon I les balises du cours. Il entend aborder la signification des termes de nationalisme, de fédéralisme, d’indépendance et de colonisation de peuplement. Puis, il esquisse la synthèse historique du Canada français entre le conflit et la cession du premier Canada. Il signale que dans un régime fédéral, « la nation minoritaire est une nation annexée ». Autrement dit, c’est le remplacement par la nation dominante qui « de ce fait en soi comporte une privation d’agir, une perte d’habitude, d’expérience et d’initiative [et] en lui-même, constitue une oppression essentielle » (p. 9).
1965-1966 : LES NORMES (Université de Montréal, Annuaire, HC. 480).
Tapuscrit de Maurice Séguin. Polycopié de 65 p. (format lettre). Version finale. L’auteur n’a pas cru nécessaire de modifier cette version pour le reste de sa carrière jusqu’en 1984. Depuis, deux éditions des Normes ont été publiées.
· 1970 : Maurice Séguin, « La conquête et la vie économique des Canadiens ». Publication par Robert Comeau, Montréal, Presses de l’Université du Québec dans Les Cahiers de l’Université du Québec. Il s’agit d’une version révisée d’un article paru initialement en décembre 1946. Robert Comeau a collaboré avec Maurice Séguin pour la présentation de cette nouvelle version.
· 1970 : La « nation canadienne » et l’agriculture (1760-1850) : Essai d’histoire économique. Après le décès de Lionel Groulx, Séguin a accepté de publier sa thèse de doctorat chez Boréal dirigé par Denis Vaugeois.
· 1973 : « Le Québec » (Maurice Séguin) L’ouvrage a d’abord paru chez Édition du Burin en 1973 sous le titre : « Québec » dans la collection « L’Humanité en marche », p. 41-165. Il a été réédité avec certaines corrections en 1995 sous le titre : Histoire du Québec. Vision d’un prophète, Présentation de Denis Vaugeois dans la Bibliothèque d’histoire sous la direction d’André Lefebvre, Montréal, Guérin, 1995, vii + 215 p.
· 1987 : Robert Comeau fait paraître le texte des Normes dans la Coll. « Études québécoises », Montréal, VLB.
· 1999 : André Lefebvre fait paraître le texte des Normes dans la Coll. « Bibliothèque d’histoire », Montréal, Guérin.
· 2015 : Les normes. Bruno Deshaies termine la mise en forme d’une édition savante.
Cette édition comprend dix chapitres. Elle est accompagnée d’une table des matières détaillées d’après le système décimal, un index, un lexique ainsi que des notes. Celles-ci comprennent des notes personnelles inédites des cours de Maurice Séguin en 1958-1960.
Cette édition savante pourrait donner des réponses à bien de nos incompréhensions nationales.
Conclusion
Pour être bien compris, il faut rappeler ce que Maurice Séguin écrit au sujet des concepts du « National et du Social » au chapitre quatrième dans Les Normes. Il débute le chapitre sur l’idée fondamentale que ce sont deux aspects nécessaires de la vie d’une même communauté. Voici comment il définit les termes : le national se rapportant aux relations avec les autres collectivités ; le social concernant surtout [1] le sort des personnes et [2] la répartition des biens à l’intérieur d’une société (Les Normes, 4,1).
Maurice Séguin juge ces deux aspects nécessaires à la vie d’une nation. Du même coup, il sous-entend que le national fait partie de la Grande Histoire. D’où l’importance du chapitre troisième intitulé « Sociologie du national » qu’il considère « le plus long et le plus important des Normes ». Cependant, les tenants du sociologisme ont la dent dure.
Les adeptes de l’histoire sociale parmi les historiens ou les juristes en histoire constitutionnelle et des institutions ainsi que les sociologues, les philosophes et les spécialistes en science politique ont encore beaucoup de difficultés à entreprendre une démarche objective devant la contribution de Maurice Séguin à la connaissance de notre réalité historique hic et nunc – indissociable de son passé et de son futur en tant que nation. Pour ne pas vouloir faire le débat, il reste une solution bien simpliste à adopter. Disons que l’histoire sociale englobe tout de la société.
Pour se donner bonne conscience, des historiens et autres spécialistes des sciences humaines se répètent et blâment sans nuance Maurice Séguin de n’avoir pas assez écrit. Si ce n’est pas cela, on trouve d’autres raisons. C’est qu’il est trop pessimiste (et peut-être même un peu dérangé).
Le problème n’est pas là. Pourquoi ? Parce que tous ces gens oublient que les Canadiens français ne sont plus seuls au Canada depuis 258 ans. Pourtant, c’est bien un fait historique avec des répercussions graves. Ce que les citoyens voudraient comprendre c’est ce qui affecte le présent et leur futur national.
Maurice Séguin nous présente sa vision dans Les Normes et aussi dans son Histoire de deux nationalismes au Canada a contrario de l’histoire sociale qui occulte le national comme réalité historique.
Les réponses au sort du peuple canadien-français ont pris depuis longtemps des directions divergentes. Par exemple, Groulx défendra le patriotisme canadien-français tandis que Séguin cherchera à comprendre la nature du nationalisme des Canadiens français6. Il s’explique dans Les Normes au sujet du patriotisme et du nationalisme. Pour faire face aux débats entre les Québécois-Français, Séguin distingue d’abord entre « le patriotisme : une vertu » et « le nationalisme : une volonté » (Les Normes, 3.2.4.c. résume 11)
Il s’explique sur le patriotisme en ces termes :
Le patriotisme (amour de la patrie, du pays où l’on est né, de sa communauté ethnique) est fait surtout d’attachement, de vénération pour son coin de terre, [pour] les ancêtres, [pour] les valeurs de leur civilisation (Les Normes, 3.2.4, c.11-1).
Il ajoute la nuance suivante :
C’est au point de départ une vertu qui admire (et qui pourrait mener au nationalisme) (Ibid).
Différemment, le nationalisme serait une volonté. Il le définit ainsi :
Le nationalisme dit plus que le patriotisme : c’est la volonté d’affirmer, d’épanouir, de défendre l’héritage ancestral et le territoire habité par des compatriotes.
Il est plus rationnel, plus dur… (Les Normes, 3.2.4.c.11-2)
Dans l’introduction du chapitre troisième consacré à la « Sociologie du national », il se donne le programme qui suit :
On y étudiera, dans leurs divers degrés, les phénomènes
1 o d’indépendance,
2 o d’annexion et
3 o d’assimilation.
Et surtout, on essaiera de débrouiller les notions contradictoires que recèle le fédéralisme (Ibid., 3,0).
Donc, au-delà de la comparaison entre le patriotisme et le nationalisme, le gros du travail de Maurice Séguin a consisté à exposer sa vision de l’histoire d’un Canada anglais nation versus un Canada français province. Finalement, il vise surtout à expliquer le phénomène de deux nationalismes au Canada qui serait l’« Histoire du conflit politique, économique et culturel » (Cf. Annuaire de l’Université de Montréal, 1980-1984. [Voir Les Normes, 3.2.4.c) « Le nationalisme. » et 3,4 et 3,5 qui précèdent la division 3.8 : « Le fédéralisme ».])
Au fond, c’est une question de conception de l’histoire qui est en cause. Il est inacceptable pour que le public soit privé d’un accès à une édition savante de ce savoir en sciences humaines. Pour le définir, je dirais qu’il se révèle être un très grand penseur en histoire et en sciences humaines. J’aimerais signaler son « Exposé et discussion des normes » en avant-propos à la Première partie où il nous avertis sur ses intentions. Il parle de « considérations » sur les six premiers chapitres. Par exemple, pour le premier chapitre, il nous propose huit thèmes fondamentaux qu’il considère « comme des postulats dans la manière de concevoir l’histoire » (Les Normes, 1.0.1). Ce chapitre consacré à « Vie et condition de vie » du tandem Individu/Société est d’une exceptionnelle hauteur d’esprit. Nous sommes très loin du raisonnement binaire. Cette dialectique rejoint le rapport au temps (passé, présent et futur) du métier d’historien.
Dans ce cas, si « l’histoire, comme le pensait Raymond Aron, est la reconstitution par et pour les vivants de la vie des morts7 », alors la Grande Histoire correspond à cette intentionnalité. Monsieur Séguin en était très conscient. C’est en ce sens que son enseignement était révolutionnaire.
1 « Le terme “défaite” prend tout son sens quand la nation vaincue ne peut plus, dans son ensemble ou dans sa majeure partie, retrouver la maîtrise de sa vie (pour toujours ?) ». Dans Les Normes, 3.5.16.
2 Voir. http://www.rond-point.qc.ca/rond-point/histoire/Séguin/courbe-de-levolution-de-la-colonisation-francaise-au-canada-vision-de-1944/]
3 Cf. http://www.rond-point.qc.ca/rond-point/histoire/rond-point-histoire-15/ Sur la Chaire, voir : http://www.rond-point.qc.ca/rond-point/histoire/chaire-de-civilisation-canadienne-francaise-1953-1956-7/
4 Bruno Deshaies, « Indépendance du Québec 363. Fédéralisme ou indépendantisme ? » Les normes en histoire. Chronique supplémentaire no 23). Chronique du jeudi 30 avril 2009, Dans Vigile.Québec. Source : http://vigile.quebec/Les-normes-en-histoire-Chronique-19509
5 Édité sous le titre Histoire de deux nationalismes au Canada. Guérin, 1997, xxvii + 452 p. Préface de Bruno Deshaies. Texte établi, présenté et annoté par Bruno Deshaies. « Bibliothèque d’histoire » sous la direction d’André Lefebvre. Malheureusement, l’édition est présentement épuisée.
6 Dans Histoire de deux nationalismes au Canada, Montréal, Guérin Éditeur, 1997, xxvii + 370 p. Coll. Bibliothèque d’histoire. Œuvres complètes de Maurice Séguin). Aussi dans Les Normes, deuxième partie : « Synthèse de l’évolution politique (et économique) des deux Canadas ». Chapitre septième : « Avant 1760 : un seul Canada » ; chapitre huitième : « 1763. Début du Canada Anglais ». À la fin : « La notion d’indépendance dans l’histoire du Canada (1956). » Réédition : 1965-66. HC. 480
7 Paris, Plon, 1961, p. 6. Coll. Recherches en sciences humaines. Aussi dans la collection Les Belles Lettres, 2011, 304 p. Cf. https://www.lesbelleslettres.com/livre/511-dimensions-de-la-conscience-historique
* Historien