L’objectif de cet exercice analytique portant sur l’œuvre de l’écrivain Jacques Ferron est de récupérer un « trajet laborieux2 ». Comme le peintre revient vers le même motif pour le refaire, l’écrivain reprend son objet anthropologique sous de nouveaux angles, pour le recomposer à partir de réouvertures du corpus (oral, écrit) auquel il fait appel.
Le plus récent film de Sébastien Pilote, Maria Chapdelaine, adaptation du roman de Louis Hémon (1880-1913), nous rappelle une fois de plus l’importance de ce personnage qui, avec le temps, est devenu une légende, un mythe. Le film de Pilote s’ajoute aux versions proposées par les cinéastes Julien Duvivier (1934), Marc Allégret (1950) et Gilles Carle (1983).
S’il y avait une place où Satan eût dû se manifester, c’est à Saint-Jean-de-Dieu, non que la folie lui appartienne, mais parce qu’il est le prince des illusions, qu’il sort la tête par le trou de l’identité perdue et fait luire de ses faux brillants la conscience éclatée, tel un miroir brisé.
L’amitié, l’entente cordiale avec le conquérant anglais est une constante et puissante tentation au Canada français. Puisqu’il a fallu s’accommoder au fil des décennies de défaites (Conquête de 1760, Rébellions de 1837-38) et de compromis-concessions politiques plutôt défavorables (Acte d’Union de 1840, AANB de 1867), des discours compensatoires auront émergé (messianisme, vocation agricole), dont celui de la Conquête providentielle et
Jacques Ferron se décrivait comme un homme « de continuité », n’« aimant pas les ruptures » et il a déjà confié avoir vécu difficilement « le passage de Canadiens à Québécois » qui s’est effectué au cours des années soixante.
Pour lire Jacques Ferron sans trop de peine, la plupart des lecteurs choisissent de ne pas se laisser distraire par les allusions parfois obscures que l’écrivain a semées tout au long de ses pages. Or, je fais partie de ceux qui ne peuvent passer outre et qui sont, par le fait même, constamment renvoyés au réel.
Version corrigée par Jean-Olivier Ferron (1er juillet 2021).
Avec l’autorisation de la Succession Jacques Ferron
J’aurais voulu être sauvage.
Jacques Ferron, Le bel héritage
Les sociétés modernes ont besoin d’individus dévoués, de groupes d’individus sérieux qui, sans véritable port d’attache, sans être des chercheurs patentés, s’aventurent en territoire inconnu pour ramener des produits narratifs nouveaux, certains convertibles en formes de vie, d’autres transférables en options politico-symboliques, d’autres encore